Histoire de la Révolution française depuis 1789 jusqu'en 1814
convention venait de s’assembler ; la république avait été proclamée, et le conseil exécutif répondit : que la république française ne pouvait entendre à aucune proposition avant que les troupes prussiennes eussent entièrement évacué le territoire français. Les Prussiens exécutèrent alors leur retraite, dès le 3o septembre au soir. Elle fut faiblement inquiétée par Kellermann, que Dumouriez mit à sa poursuite, tandis qu’il se rendit lui-même à Paris pour jouir de sa victoire et concerter l’invasion de la Belgique. Les troupes françaises rentrèrent dans Verdun et dans Longwy ; et l’ennemi, après avoir traversé les Ardennes et le pays de Luxembourg, repassa le Rhin à Coblentz vers la fin d’octobre. Cette campagne avait été marquée par des succès généraux. En Flandre, le duc de Saxe-Teschen avait été réduit à lever le siège de Lille, après sept jours d’un bombardement contraire, par sa durée et par son inutile barbarie, à tous les usages de la guerre. Sur le Rhin, Custine s’était emparé de Trêves, de Spire et de Mayence ; aux Alpes, le général Montesquiou avait envahi la Savoie, et le général Anselme le comté de Nice. Nos armées, victorieuses sur tous les points, avaient pris partout l’offensive, et la révolution était sauvée.
Si l’on présentait le tableau d’un état qui sort d’une grande crise, et qu’on dît : Il y avait dans cet état un gouvernement absolu dont l’autorité à été restreinte ; deux classes privilégiées qui ont perdu leur suprématie ; un peuple immense, déjà affranchi par l’effet de la civilisation et des lumières, mais sans droits politiques, et qui a été obligé, à cause des refus essuyés, de les conquérir lui-même : si l’on ajoutait, Le gouvernement, après s’être opposé à cette révolution, s’y est soumis, mais les classes privilégiées l’ont constamment combattue, voici ce que l’on pourrait conclure de ces données :
Le gouvernement aura des regrets, le peuple montrera de la défiance, et les classes privilégiées attaqueront l’ordre nouveau chacune à sa manière. La noblesse ne le pouvant pas au-dedans, où elle serait trop faible, émigrera, afin d’exciter les puissances étrangères, qui feront les préparatifs d’une attaque ; le clergé, qui perdrait au-dehors ses moyens d’action, restera dans l’intérieur, où il cherchera des ennemis à la révolution. Le peuple, menacé au-dehors, compromis au-dedans, irrité contre l’émigration qui armera les étrangers, contre les étrangers qui attaqueront son indépendance, contre le clergé qui insurgera son pays, traitera en ennemis le clergé, l’émigration et les étrangers. Il demandera d’abord la surveillance, puis le bannissement des prêtres réfractaires ; la confiscation du revenu des émigrés ; enfin, la guerre contre l’Europe coalisée, pour la prévenir de sa part. Les premiers auteurs de la révolution condamneront celles de ces mesures qui violeront la loi ; les continuateurs de la révolution y verront, au contraire, le salut de la patrie, et le désaccord éclatera entre ceux qui préféreront la constitution à l’état et ceux qui préféreront l’état à la constitution. Le prince, porté par ses intérêts de roi, ses affections et sa conscience à rejeter une pareille politique, passera pour complice de la contre-révolution, parce qu’il paraîtra la protéger. Les révolutionnaires tenteront alors de gagner le roi en l’intimidant, et, ne pouvant pas y réussir, ils renverseront son pouvoir.
Telle fut l’histoire de l’assemblée législative. Les troubles intérieurs amenèrent le décret contre les prêtres ; les menaces extérieures, celui contre les émigrés ; le concert des puissances étrangères, la guerre contre l’Europe ; la première défaite de nos armées, celui du camp de vingt mille hommes. Le refus d’adhésion à la plupart de ces décrets fit suspecter Louis XVI par les Girondins ; les divisions de ces derniers et des constitutionnels, qui voulaient se montrer les uns législateurs comme en temps de paix, les autres ennemis comme en temps de guerre, désunirent les partisans de la révolution. Pour les Girondins, la question de la liberté était dans la victoire, la victoire dans les décrets. Le 20 juin fut une tentative pour les faire accepter ; mais, ayant manqué son effet, ils crurent qu’il fallait renoncer à
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