Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle
quelle qu’ait été la dette qu’on avait envers eux. Les princes furent indemnisés avant de perdre leur souveraineté… Mais les autres ? La décolonisation française, à son tour, devait bientôt manifester la même ingratitude vis-à-vis de ses harkis.
Dans toute cette histoire, les chances d’une révolution communiste , de type vietnamien ou autre, ne furent jamais envisagées. Cela tint, pour l’essentiel, à la stratégie du PC indien, qui alla, de 1930 à 1947, « d’erreur en erreur ».
La première, au vu de la situation et du statut de la société indienne, fut bien de s’appuyer sur le principe de la lutte des classes, sur lui seul, en privilégiant la classe ouvrière qui, pendant ces décennies, n’était pas en force pour animer le combat national. Dans le cadre indien, les marxistes apparurent voisins des syndicalistes, défendant corporativement certaines catégories sociales, pas les autres. Alors que Gandhi se voulait ou se disait le représentant de tous les Indiens. Leur deuxième « erreur »stratégique fut leur retournement subit, en 1941, quand l’URSS entra en guerre, où, loin de continuer à réclamer l’indépendance, ils se dressèrent contre le mot d’ordre du Congrès Quit India , ce qui les fit apparaître comme des agents de l’étranger. Enfin, en 1946, au nom du principe des nationalités, ils défendirent le point de vue des musulmans qui voulaient un État séparé, et s’aliénèrent totalement l’opinion hindoue… tous ceux aussi qui jugeaient intangible l’unité de l’Inde.
Indochine — Maghreb : la politique française tétanisée
« Ce sera la guerre entre un tigre et un éléphant. Si jamais le tigre s’arrête, l’éléphant le transpercera de ses puissantes défenses : seulement, le tigre ne s’arrêtera pas ; il se tapit dans la jungle pendant le jour pour ne sortir que la nuit ; il s’élancera sur l’éléphant et lui arrachera le dos par grands lambeaux, puis disparaîtra, et, lentement, l’éléphant mourra d’épuisement et d’hémorragie » (V.N. Giap). C’est ainsi qu’à son début le Vietminh imagine la guerre. Et elle s’est bien passée comme cela. Elle s’est également achevée comme le déclara Giap au journaliste australien Wilfrid Burdett : « Si le commandement français avait choisi un autre lieu que la cuvette de Diên Biên Phu, et si un autre chef que Navarre avait commandé les forces françaises, la fin de la guerre d’Indochine aurait été la même. »
« Cheminement inéluctable », c’est aussi l’expression qu’utilise le général Morlière, à qui, à la fin de 1946, le général Valluy avait dit : « Pour établir votre mainmise, n’hésitez pas à frapper fort par le canon et par la bombe. » Il jugeait que l’affaire d’Haiphong avait allumé le détonateur : après quoi tous les ponts avec le gouvernement d’Hô Chi Minh ont été coupés… « Il est clair que l’on a choisi une politique de force. »
Haiphong avait été le détonateur, mais, durant l’été 1946, le premier grand tournant avait été pris lorsque laFrance avait proclamé l’existence d’une République de Cochinchine, confirmée aux négociations de Fontaine-bleau. La guerre commencée, elle avait rappelé Bao-Dai, « parce que les Français réfléchis sont convaincus qu’un mouvement pourvu d’armes automatiques et appuyé par la majeure partie de la population ne peut être défait par une force étrangère » — qui atteignait 200 000 hommes. La seule voie, c’est d’opposer le feu au feu. C’est pourquoi les Français viennent d’accorder à Bao-Dai une indépendance plus large que celle que revendiquait Hô Chi Minh ». Cette analyse du journaliste américain Alsop correspondait effectivement à ce qui s’était passé à Paris, une technique qui fut reprise au Maroc, avec l’appel à Ben Arafa, en 1953. Mais elle ne tient pas compte des autres aspects du problème.
Avant que la guerre ne soit effective, le Vietminh s’inscrit dans une politique qui prend en compte la présence des communistes français au gouvernement, ou dans son entourage ; Hô Chi Minh ayant lui-même tissé des liens étroits avec des syndicalistes et l’extrême gauche française durant l’entre-deux-guerres. « Toute ma vie j’ai lutté contre le colonialisme français, mais j’ai toujours aimé et admiré le peuple français, sensible et généreux, qui le premier a levé
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