Histoire du Consulat et de l'Empire
vingtième de leur pension à l'État et, pour passer le baccalauréat, ils doivent prouver qu'ils ont séjourné deux ans dans un lycée. Ces contraintes qui limitent de fait la liberté de l'enseignement secondaire n'empêchent pas l'essor des établissements privés, ce qui conduit le régime impérial à durcir sa politique à partir de 1811. Pour Napoléon, le but des lycées est la formation de l'élite qui doit être dévo)lée à sa personne et prête à servir son régime : « Il n'y aura pas d'Etat politique fixe, s'il n'y pas de corps enseignant avec des principes fixes », s'exclamet-il en 1806, avant de poursuivre : « Tant qu'on n'apprendra pas dès l'enfance s'il faut être ré'publicain ou monarchique, catholique ou irréligieux, etc. etc., l'Etat ne formera point une nation ; il reposera sur des bases incertaines et vagues ; il sera constamment exposé aux désordres et aux changements. » Ce propos est révélateur d'une certaine inquiétude de l'Empereur à l'égard des futures élites de son Empire. Il revient sur ce sujet en 1809 avec Beugnot qui rapporte en ces term�s leur entrevue : « Il remarque que les hommes de son Conseil d'Etat et que les hommes avec lesquels il a commencé son gouvernement sont de mon âge, et qu'ils lui manqueront tous à la même heure. Je réponds qu'il a dans la classe des maîtres des requêtes et des auditeurs une pépinière riche où il trouvera aisément à nous remplacer. " Je n'en sais rien, reprend l'Empereur ; vous étiez tous, à des titres divers, les enfants de la Révolution ; elle vous avait trempés dans ses eaux, et vous en étiez sortis avec une vigueur qui ne se reproduira plus R ". » Cette inquiétude sur la formation des futurs cadres trouve en partie son origine dans le relatif échec des lycées. Elle explique l'attention constante que leur porte ,Napoléon et les mesures qu'il prend pour renforcer la tutelle de l'Etat sur l'enseignement, en particulier en 1811. Pour lui, l'enseignement élitiste dispensé dans les lycées est véritablement l'un des piliers de l'État, car il doit en assurer la continuité.
3. LA RÉFORME DE LA JUSTICE
Un État puissant doit aussi pouvoir s'appuyer sur une société policée, dont les habitants vivent en harmonie, ce qui suppose la rédaction de codes et de lois et la mise en œuvre de moyens pour les faire appliquer. C'est tout l'enjeu de la réforme de la justice entreprise dès l'arrivée au pouvoir de Bonaparte et poursuivie dans les premières années de l'Empire. La première grande œuvre est la rédaction d'un Code civil que les membres de l'Assemblée constituante avaient annoncé dès la rédaction de la Constitution de 1791 : 212
LES FONDEMENTS DU RÉGIME
« Il sera fait un code de lois valable pour tout le royaume. » Plusieurs fois engagée sous la Révolution, notamment à l'initiative de Cambacérès, cette codification était restée incomplète. En dix ans, le nouveau régime procède à un effort de synthèse et de rédaction sans précédent qui conduit à la publication de cinq grands codes avec lesquels la France vivra pour l'essentiel jusque dans la seconde moitié du xxe siècle. Le but de cette codification est d'abord d'unifier le droit et de fournir à tout le pays les mêmes règles de conduite. Il s'agit ensuite de combler un vide, laissé par la disparition du droit en vigueur sous l'Ancien Régime, que la Révolution n'a qu'imparfaitement remplacé. Plusieurs équipes de juristes, en général issus des parlements de la France d'Ancien Régime, se mettent donc à l'œuvre et proposent au Conseil d'État des avant-projets qui servent de bases à l'élaboration des codes, après discussions et amendements. Ce travail donne naissance à cinq grands codes : le Code civil, publié en 1804, le Code de procédure civile adopté en 1806, le Code de commerce achevé en 1807, le Code d'instruction criminelle, publié en 1808, et le Code pénal qui couronne l'ensemble en 1810.
Le Code civil reste incontestablement le symbole de cette politique de codification. Il est élaboré, dès 1800, après que Bonaparte a confié le soin d'en préparer un avant-projet à quatre juristes, Tronchet, ancien bâtonnier des avocats de Paris, président du tribunal de cassation, Bigot de Préameneu, ancien avocat au Parlement de Paris, commissaire du gouvernement près le tribunal de cassation, Maleville, ancien avocat au Parlement de Bordeaux, également membre du tribunal de cassation, et
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