Histoire du Consulat et de l'Empire
l'île, le général Drouot remplit en fait le rôle de ministre de ·
la Guerre. Cet entourage militaire est complété par le général Cambronne qui commande la place de Ferraio. Napoléon s'attache également les services d'André Pons de l'Hérault qu'il trouve dans l'île à son arrivée. Pons de l'Hérault était en effet depuis 1809 directeur des mines de fer de l'île d'Elbe. Il y subissait une sorte d'exil dû à ses idées républicaines : « J'étais républicain avant la République, je fus l'un des patriotes qui collaborèrent le plus à sa naissance, je lui jurai amour et fidélité, je ne l'ai jamais trompée 4. » Pour autant, il accepte de servir Napoléon qu'il considère comme un homme extraordinaire. Avec ces collaborateurs, Napoléon s'emploie à organiser l'île, à encourager l'agriculture, à développer l'industrie. Il rencontre cependant quelques difficultés dans la levée des impôts.
Enfin, une petite vie de cour reprend au palais des Mulini où sont venues s'installer la mère de Napoléon, Letizia, et sa sœur Pauline.
Mais l'arrivée de Marie-Louise et du roi de Rome est attendue en vain. Seule Marie Walewska fait un bref séjour sur l'île.
En France, dans le même temps, le provisoire a pris fin, avec 417
L'ÉCHEC DU SURSAUT DYNASTIQUE (1810-1815)
l'arrivée de Louis XVIII. L'avènement du comte de Provence, frère de Louis XVI, marque aussi la fin d'un état de grâce qui n'a duré que deux mois, entre la chute de Napoléon et la proclamation de la Charte constitutionnelle, le 4 juin 1814. Celle-ci ne répond pas pleinement aux attentes des libéraux et déçoit plus généralement les héritiers de 1789, dans la mesure où elle remet en cause le principe de la souveraineté nationale. Le long rappel de la tradition monarchiste, la référence à l'origine divine du pouvoir, le refus de faire sanctionner cette Constitution par le peuple apparaissent comme autant de reculs vis-à-vis de la Révolution, même si, dans la pratique, la Charte de 1814 établit les bases d'une monarchie bicamériste, fondée sur les deux assemblées que sont la Chambre des pairs et la Chambre des députés des départements. En outre, ces deux assemblées puisent largement dans le personnel napoléonien, puisque l'on retrouve, parmi les pairs, un grand nombre de sénateurs, alors que la Chambre des députés est composée des membres du Corps législatif. Ces mesures de reconduction ne sont guère populaires, alors qu'elles irritent les royalistes ultra. En outre, malgré les concessions faites à l'esprit révolutionnaire par la Charte, le retour du roi suscite de nombreux mécontentements nés de la menace de voir rétabli l'Ancien Régime. Cette crainte repose sur la renaissance de la Cour, mais aussi sur le retour d'exil de nombreux nobles qui réclament des places, notamment dans l'armée, au moment où le gouvernement décide de limoger une grande partie des troupes et près de douze mille officiers, mis à la retraite ou en demi-solde. Le fantôme de l'Ancien Régime se profile aussi derrière le statut très favorable accordé à la religion catholique, déclarée religion d'État par la Charte et qui obtient les faveurs du régime. Le clergé redevient une des principales forces du pays, au grand dam de la bourgeoisie restée anticléricale. Pourtant l'épuration a été minime. La plupart des fonctionnaires de l'Empire sont maintenus en poste. Certains ministres eux-mêmes ont servi Napoléon, tels Talleyrand aux Affaires étrangères ou le général Dupont à l'Armée.
En outre, la monarchie restaurée parvient à obtenir un règlement de la paix assez favorable à ses intérêts. Le traité de Paris du 30 mai 1814 lui laisse ses frontières de 1792 et ne lui impose aucune indemnité de guerre. Ce traité apparaît pourtant comme une reculade aux yeux d'une population habituée au Grand Empire.
Il faut cependant se garder d'interpréter cette période à la seule lueur des reconstructions opérées par les partisans de Napoléon.
L'état de la France s'est considérablement amélioré au sortir des guerres napoléoniennes, les acquis de la Révolution n'ont pas été fondamentalement remis en cause, les libertés sont même un bien plus largement partagé qu'à l'époque précédente. Alors, d'où vient ce sentiment d'une détérioration de l'esprit public ? L'histoire est riche d'exemples de retournements de l'opinion, pour lesquels il ne faut pas seulement chercher des
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