Histoire du Consulat et de l'Empire
et le rétablir sur le trône. Le maréchal Davout, les ducs d'Otrante et de Bassano, et plusieurs autres dont j'ai oublié les noms étaient les chefs supérieurs de l'entreprise. À mesure qu'il avançait dans sa confidence, l'inquiétude et l'effroi m'ôtaient jusqu'à la faculté de répliquer 5. »
Maret, duc de Bassano, confirme à Lavalette les projets de conspiration et la participation de Fouché à l'entreprise. Ce dernier, momentanément retiré de la vie politique, est entré en contact avec les conspirateurs. À la différence de ses comparses, il envisage l'organisation d'une régence confiée à Marie-Louise, plutôt que le retour au pouvoir de Napoléon. Maret est donc bien l'une des pièces maîtresses du « parti bonapartiste ». C'est du reste lui qui envoie sur l'île d'Elbe un ancien sous-préfet de Napoléon, Fleury de Chaboulon, venu lui faire part de son allégeance à son ancien souverain. Fleury de Cha boulon accoste à Portoferraio le 12 février 1815, après s'être embarqué clandestinement dans un port italien.
Parvenu jusqu'à Napoléon, il lui dépeint l'état de la France et lui narre les maladresses du roi. Toutefois la conversation est rapidement prise en main par Napoléon qui, ayant poussé Fleury de Chaboulon dans ses derniers retranchements, finit par obtenir la réponse qu'il espérait : « Oui, sire, lui déclare le messager, je suis convaincu que le peuple et l'armée vous recevraient en libérateur et embrasseraient votre cause avec enthousiasme 6. » Ce témoignage, venant après plusieurs correspondances reçues de France, aurait décidé Napoléon à entreprendre un retour sur le continent.
Pons de l'Hérault conteste l'importance de ces nouvelles, en rappelant que Fleury, parti de Paris depuis plusieurs semaines, ne pouvait faire état que de « vieilleries ». Peu importe. Napoléon a besoin d'un signe pour se lancer dans l'aventure. Il sait pouvoir 420
LE CHANT DU CYGNE
disposer en France, notamment dans l'armée et l'administration, de relais à son entreprise.
L'initiative prise à la fin février n'en demeure pas moins un acte audacieux qui par certains côtés rappelle le retour d'Égypte en août 1799. Napoléon ne peut pas ne pas se remémorer cet épisode de son histoire. En 1815, comme en 1799, la marine anglaise rôde autour de lui. En Égypte, il a bénéficié du retrait de Sidney Smith, parti ravitailler. À l'île d'Elbe, il profite du départ du colonel Campbell qui depuis son arrivée, observait ses faits et gestes. Dans l'un et l'autre cas, l'inaction de la flotte anglaise paraît suspecte et semble découler d'un plan concerté. Le départ est fixé au 26 février. Napoléon a fait équiper plusieurs bateaux, dont le brick l'Inconstant, la plus belle pièce de sa flotte, à bord duquel il s'embarque. La flottille se sépare pour ne pas éveiller l'attention ; elle vogue sans encombre vers le golfe Juan, où elle opère sa concentration, avant le débarquement. Napoléon dispose de douze cents hommes, à savoir sa Garde, emmenée de France, un bataillon corse, organisé sur place, et une petite cohorte d'habitants de l'île embarqués dans l'aventure.
Ils sont accompagnés de quelques chevaux pour tirer l'artillerie.
Que peut espérer Napoléon, avec une aussi faible troupe ? Sans nul doute s'emparer d'une petite place forte pour rallier ensuite l'armée à sa cause.
Quelles que soient les justifications apportées a posteriori, en particulier les menaces pesant sur la personne de Napoléon, le débarquement de Golfe-Juan est un acte illégal par lequel Napoléon revient sur la signature apposée au bas de la convention réglant son sort en avril 1814. Il s'agit à proprement parler d'un putsch militaire, d'un pronunciamiento, par lequel un chef militaire espère soulever l'armée contre le pouvoir établi. De ce point de vue, si l'on peut dénier au 18-Brumaire la qualité de coup d'État militaire - il est avant tout un coup d'État parlementaire - en revanche, la tentative du 1er mars 1815 est bien un putsch. Curieusement, la nature de ce coup de main militaire a été quelque peu été occultée, comme si, inconsciemment, l'histoire avait reconnu à Napoléon une sorte de légitimité qui aurait rendu presque inéluctable, voire nécessaire, l'acte accompli. En fait, l'adhésion populaire à Napoléon dans les jours qui suivent efface ce premier acte. Pourtant, lorsque Napoléon débarque au golfe Juan, le 1er mars 1815, rien n'est
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