Histoire du Consulat et de l'Empire
francs par an. Ce traité négocié par Caulaincourt et Macdonald prévoit en outre d'accorder à Marie-Louise le duché de Parme. Napoléon se résigne à signer ce texte, le 13 avril, non sans avoir tenté, dans la nuit précédente, de mettre fin à ses jours. Il demeure encore une semaine à Fontainebleau où il espère que Marie-Louise pourra le rejoindre : « Je désire que tu viennes demain à Fontainebleau, enfin [sic] que nous puissions partir ensemble et chercher cette terre d'asile et de repos, où je serai heureux si tu peux te résoudre à l'être et oublier les grandeurs du monde 1. » En réalité tout a été entrepris par le gouvernement provisoire pour empêcher le rapprochement de Napoléon et de Marie-Louise. L'Empereur part donc seul vers l'île d'Elbe. Auparavant, il a fait ses adieux à la Garde, dans la cour du château de Fontainebleau. Cette scène, l'un des morceaux de bravoure de la légende napoléonienne, a été tant de fois évoquée qu'on ne sait plus démêler le vrai du reconstruit dans les témoignages qui en ont été donnés. On ne se lasse pourtant pas de relire le témoignage du capitaine Coignet, même s'il a été rédigé trente ans plus tard : « Lorsque tous les préparatifs furent terminés, et ses équipages prêts, il donna l'ordre pour la dernière fois de prendre les armes. Tous ces vieux guerriers arrivés dans cette grande cour naguère si brillante, il descendit du perron, accompagné de son état-major, et se présenta devant ses vieux grognards : " Que l'on l'apporte mon aigle ! " Et, la prenant dans ses bras, il lui donna le baiser d'adieu. Que ce fut touchant. On n'entendait qu'un gémissement dans tous les rangs ; je puis dire que je versai des larmes de voir mon cher empereur partir pour l'île d'Elbe 2. »
Accompagné d'une garde de six cents hommes, Napoléon s'éloigne du théâtre de ses actions. Il descend vers la Méditerranée, par la vallée du Rhône. Le voyage est mouvementé. Après Orange, les manifestations d'hostilité s'amplifient et des menaces de mort sont proférées à son encontre. L'Empereur déchu ressent durement ces attaques, même s'il tente d'en minimiser la portée : « J'ai été très content de l'esprit de la France jusqu'à Avignon, écrit-il à Marie-Louise en continuant à associer la France et les Français ; mais depuis Avignon, je les ai trouvés fort exaltés contre 3. » La France le défend, mais les Français l'abandonnent, suggère-t-il.
La présence de la foule, ses cris et ses menaces sont l'une des 416
LE CHANT DU CYGNE
manifestations populaires sanctionnant la déchéance votée par le Sénat. Qu'elles aient été organisées, ou qu'elles soient spontanées, elles concrétisent la chute du régime, comme les acclamations et les vivats avaient pu accompagner l'entrée dans l'Empire, au soir du sacre. Ces manifestations populaires décrites par Napoléon confirment l'identification du régime impérial à la personne de l'Empereur. Pas plus en province qu'à Paris, on n'envisage que le successeur de Napoléon puisse être son fils. Les menaces de mort contre l'Empereur sont une manière d'exorciser un régime à présent honni.
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Après avoir bravé ces invectives, Napoléon embarque sur un navire anglais, à Saint-Raphaël, et arrive le 4 mai à Portoferraio, la capitale de l'île d'Elbe. Il lui faut trouver une demeure, car les
« logements y sont médiocres », note-t-il à son arrivée, avant de s'installer dans un logis plus confortable, le palais des Mulini. Il peut désormais gouverner en souverain cette petite île de la Méditerranée, située au nord-est de la Corse. Peuplée d'environ douze mille habitants, elle avait été réunie à la France en 1802. À ses côtés, Napoléon peut compter sur le général Bertrand, qu'il avait nommé en novembre 1813 grand maréchal du palais. Compagnon de Bonaparte en Italie, puis en Égypte, gouverneur des Provinces Illyriennes de 1811 à 1813, le général Bertrand avait pris une part active à la campagne d'Allemagne, avant de suivre fidèlement Napoléon lors de la campagne de France, jusqu'à l'accompagner à l'île d'Elbe où sa femme, née Fanny Dillon, le rejoint en août 1814.
Sur l'île d'Elbe, Bertrand occupe les fonctions d'un ministre de l'Intérieur. Napoléon s'est également fait accompagner du général Drouot, dont il avait pu admirer les talents militaires lors des campagnes d'Allemagne et de France. Nommé gouverneur militaire de
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