Histoire du Consulat et de l'Empire
reprise de la guerre. La nécessité d'un effort militaire toujours plus soutenu et l'obligation de contrôler un espace de plus en plus étendu ont poussé au renforcement de l'autoritarisme, au point que l'on peut parler de monarchie militaire. C'est comme empereur que Napoléon livre ses grandes batailles. De ce point de vue, les deux périodes du Consulat et de l'Empire doivent être distinguées. La première est une période de paix relative, marquée par une série de réformes sans précédent et par la survie d'un soupçon de vie politique. La seconde, en revanche, est caractérisée par la guerre, par la raréfaction, surtout après 1810, des grands chantiers de réformes, et par le durcissement de la tutelle policière sur le pays.
Pourtant, c'est avec l'épopée militaire que Napoléon construit sa légende. C'est aussi le souvenir des guerres françaises qui a longtemps suscité l'hostilité des étrangers à l'égard de l'Empereur. La guerre devient omniprésente à partir de 1805, les levées d'hommes s'accroissent, les combats font rage aux quatre coins de l'Europe, mais épargnent jusqu'en 1814 l'espace français. Le conflit reste donc lointain. Qui plus est, les bulletins de victoire flattent le sentiment national. En outre, la guerre nourrit la guerre. Les yeux se ferment donc sur les excès commis à l'étranger, sur les morts qui parsèment les champs de bataille ou plutôt encombrent les rares hôpitaux de campagne. Tant que l'armée est victorieuse, l'effort de guerre est consenti et le régime consolidé. C'est pourquoi Napoléon a tant besoin de victoires, fût-ce au prix de lourdes pertes. C'est pourquoi aussi la retraite de Russie marque un tournant dans l'histoire de l'Empire. Elle provoque certes la destruction d'une partie du potentiel militaire français, elle écorne surtout l'image d'une armée jusqu'alors invincible. Construits sur les victoires des armées, le Consulat et l'Empire ont été imprégnés d'esprit militaire, sans pour autant que le pouvoir revienne aux soldats, pourtant de plus en plus présents aux abords de l'appareil d'État. L'armée a donc été un des piliers du régime. Elle a aussi été un des vecteurs d'ascension sociale dans la France impériale, ce qui peut expliquer l'acceptation de la guerre jusqu'à un certain point. En effet, lorsque la ponction humaine est trop forte et que la guerre menace le territoire français, le mécontentement s'amplifie. Mais le régime impérial ne succombe pas à une protestation populaire. Construit sur la guerre, il est défait par les armes. Dès lors, la légende peut commencer, se concentrant sur l'épopée militaire, Waterloo devenant le symbole de la défaite à 442
CONCLUSION
venger. Il reste que ces années de guerre ont profondément modifié le visage de l'Europe. Le principe de la restauration édicté en 1814-1815 n'est que partiellement appliqué. Le nouveau dessin des frontières laisse voir l'influence de la politique napoléonienne dans la réorganisation de l'Europe, en particulier dans l'espace allemand.
De plus, les idées libérales mobilisées contre Napoléon restent prégnantes dans bien des pays où le sentiment national mis au jour dans la lutte contre la France n'attend qu'une occasion pour s'exprimer à nouveau. La formation au XIXe siècle de l'Europe des nations est aussi une conséquence des guerres napoléoniennes. Ainsi, la période du Consulat et de l'Empire représente bien un moment décisif dans la construction de l'Europe moderne.
NOTES
PREMIÈRE PARTIE : LA RÉPUBLIQUE CONSULAIRE
CHAPITRE 1
1. Le Coz à Grégoire, 17 juillet 1799, in P. ROUSSEL, Correspondance de Le Coz, évêque constitutionnel d'Ille-et-Vilaine, Paris, Picard, 1900, p. 333.
2. Joseph FOUCHÉ, Mémoires, édités par Michel Vovelle, Paris, Imprimerie nationale, 1992, p. 97.
3. Ibid., p. 95.
CHAPITRE 2
1. Mathieu MOLÉ, Souvenirs de jeunesse (1793-1803), Paris, Mercure de France, « Le Temps retrouvé », 1991, p. 122.
2. Germaine de STAËL, Dix années d'exil, édité par Simone B alayé et Mariela Vianello Bonifacio, Paris, Fayard, 1996, p. 71.
3. Souvenirs du baron de Frénilly, pair de France, édités par Albert Chuquet, Paris, Plon, 1909, p. 255-6.
4. Mémoires et souvenirs du comte de Lavalette, édition présentée par Stéphane Giocanti, Paris, Mercure de France, 1994, p. 220.
5. Ibid. , p. 225.
6. Général MARBOT, Mémoires 1 799-1815, introduction et notes par Robert Lacour-Gayet, Paris,
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