Histoire du Consulat et de l'Empire
ses personnages, au point d'en faire à leur tour des vecteurs de la légende. Ainsi, le récit de Goguelat, ancien soldat de la Grande Armée, dans Le Médecin de campagne, est édité à part. Béranger dans ses chansons contribue également à perpétuer le souvenir de Napoléon. Stendhal qui a côtoyé l'Empereur met en scène la figure du grand homme. Le théâtre, genre le plus important de la littérature du premier XIXe siècle, n'est pas en reste.
Alexandre Dumas signe par exemple un Napoléon qui fait sensation au début de la monarchie de Juillet, au point de paraître subversif.
L'acteur Frédéric Lemaître, au début d'une époustouflante carrière, y campe un Napoléon révolutionnaire. La peinture enfin s'inspire très largement de la geste napoléonienne. Horace Vernet ou Raffet popularise les batailles de l'Empire tout au long du XIXe siècle.
L'œuvre de Napoléon est relue comme une épopée, digne de celle d'Alexandre ou de Charlemagne. Ces artistes romantiques contribuent à forger la légende napoléonienne, sans que pour autant le bonapartisme populaire disparaisse.
La conjonction de ces deux formes d'adhésion à l'Empire explique la tentative de récupération du mythe napoléonien par les pouvoirs publics. En 1840, la monarchie de Juillet décide le retour des cendres de Napoléon en France ; le gouvernement envoie à Sainte-Hélène un navire, la Belle Poule, chargé de récupérer les restes de l'Empereur. L'expédition est conduite par l'un des fils du roi, le prince de Joinville, et compte dans ses rangs quelques-uns des compagnons de la captivité, notamment Emmanuel de Las Cases, le fils du mémorialiste qui avait suivi son père à Sainte-Hélène en 1815, Gourgaud, Bertrand et Marchand, le serviteur de Napoléon.
Le retour vers Paris offre l'occasion de grandes manifestations populaires. La foule se masse le long de la Seine, sur le parcours de la dépouille. Près d'un million de Parisiens viennent ensuite lui rendre hommage lors de la grande cérémonie préludant à sa déposition aux Invalides. Toutefois, la persistance du sentiment bonapartiste dans la population n'est pas encore suffisante pour imposer un 437
L'ÉCHEC DU SURSAUT DYNASTIQUE (1810-1815)
changement de régime. Lors de la révolution de 1830, les cris en faveur de Napoléon II n'ont pas entraîné le rétablissement de l'Empire, non plus que les deux tentatives de Louis-Napoléon Bonaparte, neveu de l'Empereur, à Strasbourg en 1835 et à Boulogne en 1840. En revanche, lors de la Seconde République, le nom de Bonaparte permet à Louis-Napoléon d'être élu député, puis d'emporter largement l'élection présidentielle du 10 décembre 1848.
Ce succès est en grande partie le fruit de la légende napoléonienne.
De même, lorsque Louis Napoléon Bonaparte rétablit un régime autoritaire au lendemain du coup d'État du 2 décembre 1851, c'est directement à l'Empire qu'il se réfère, en proposant une constitution proche de celle de l'an VIII et en rappelant son souci de rétablir en France l'ordre et l'autorité. Ainsi le bonapartisme revient au pouvoir en s'appuyant sur le culte napoléonien. L'Empire est proclamé le 2 décembre 1852, en souvenir du sacre de Napoléon et de la victoire d'Austerlitz. Mais les deux courants bonapartistes ne se superposent pas pleinement. Le premier reste attaché au Napoléon, héritier de la Révolution et symbole de la grandeur de la France. Il est aussi anticlérical, si bien qu'il ne se reconnaît pas toujours dans le bonapartisme du Second Empire, allié au catholicisme, au moins dans sa première phase. De ce fait, il peut en partie s'en désolidariser après la défaite de 1870. Napoléon III n'entraîne pas son oncle dans sa chute. Le Premier Empire ne subit pas le discrédit dont pâtit le Second. La légende reste vivante, même si la disparition des derniers soldats de la Grande Armée lui ôte une partie de ses propagateurs. Le décalage est tel que, au xxe siècle, lorsque l'on veut dénoncer un danger dictatorial, on préfère la référence au 2-Décembre plutôt qu'au 18-Brumaire. En effet, malgré ses échecs et le nombre des victimes provoquées par les guerres napoléoniennes, le Premier Empire reste entouré d'une image favorable et Napoléon demeure aux yeux des Français l'archétype du grand homme.
Conclusion
Peut-on tirer un bilan serein des quinze années du Consulat et de l'Empire ? La question n'est pas dénuée de fondement tant
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