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Histoire d'un paysan - 1794 à 1795 - Le Citoyen Bonaparte

Histoire d'un paysan - 1794 à 1795 - Le Citoyen Bonaparte

Titel: Histoire d'un paysan - 1794 à 1795 - Le Citoyen Bonaparte Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Erckmann-Chatrian
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la
république.
    » Cet attentat est l’œuvre d’une bande de
scélérats, de septembriseurs, qu’on retrouve dans tous les crimes
de la révolution. Lorsque le parti verra son quartier général
frappé et que la fortune abandonne ses chefs, tout rentrera dans
l’ordre, les ouvriers reprendront leurs travaux, et dix mille
hommes qui dans la France tiennent à ce parti et sont susceptibles
de repentir, l’abandonneront entièrement. Je serais indigne de la
grande tâche que j’ai entreprise et de ma mission, si je ne me
montrais pas sévère dans une telle occurrence. La France et
l’Europe se moqueraient d’un gouvernement qui laisserait impunément
miner un quartier de Paris, ou qui ne ferait de ce crime qu’un
procès ordinaire. Il faut conduire cette affaire en hommes
d’État ; je suis tellement convaincu de la nécessité d’un
grand exemple, que je suis prêt à faire comparaître devant moi les
scélérats, à les juger, et à signer leur condamnation. »
    Ainsi Bonaparte nous traitait de scélérats, de
brigands, nous qu’il savait innocents de la machine infernale,
puisqu’il fit bientôt après condamner les vrais coupables, qui
étaient tous des royalistes à la solde de l’Angleterre. Chauvel
était le scélérat et Bonaparte l’honnête homme ! Il l’avait
dit aussi des Cinq-Cents, du Directoire et de tous ceux dont il
voulait se débarrasser : c’étaient tous des scélérats qui
conspiraient contre la république ; lui seul voulait la
sauver. Il le dit aussi plus tard du duc d’Enghien : le duc
d’Enghien, en Allemagne, voulait l’assassiner !
    Cent trente-trois patriotes disparurent en
vertu du sénatus-consulte de l’an IX,
le premier du
consulat !
Bonaparte disait plus tard, en riant que ce
sénatus-consulte avait sauvé la république, que personne depuis
n’avait plus bougé ! Non, personne n’a plus bougé, même quand
les Russes, les Allemands, les Anglais marchaient sur Paris. – Tout
ce qui fait une nation, l’amour de la justice, de la liberté, de la
patrie, était mort.
    Mais il est temps que je finisse cette longue
histoire.
    Je passe sur la paix d’Amiens, qui ne fut
qu’une suspension d’armes, comme toutes les paix de
Bonaparte ; sur le concordat, où le premier consul rétablit
chez nous les évêques, les ordres religieux, les impôts pour
l’Église, tout ce que la révolution avait aboli, ce qui lui valut
le bonheur d’être couronné par Pie VII, à Paris. Alors il se crut
Charlemagne ! Je ne vous parlerai pas non plus de cette lutte
terrible de la France contre l’Angleterre, où Bonaparte, voulant
ruiner les Anglais, nous réduisit tous, nous et nos alliés, à la
plus grande misère ; ni des batailles qui se suivaient de
semaine en semaine, de mois en mois, sans jamais rien finir ;
ni des
Te Deum
pour Austerlitz, Iéna, Wagram, la Moskowa,
etc. Napoléon Bonaparte était le maître, il prenait des deux, des
trois cent mille hommes tous les ans ; il revenait sur les
anciennes conscriptions ; il établissait les impôts, les
monopoles, il faisait des proclamations, nous appelant « ses
peuples ! » Il écrivait les articles des gazettes,
lançait des décrets du fond de la Russie, pour organiser le
Théâtre-Français ; enfin, la comédie, toujours la
comédie !…
    Ces torrents d’hommes qu’il levait, passaient
chez nous. Il fallait les voir, les entendre, après leurs
batailles, leurs campagnes ; quels héros !… Comme ils
vous traitaient les bourgeois ! On aurait dit qu’ils étaient
d’une autre race, qu’ils nous avaient conquis ; le dernier
d’entre eux se regardait comme bien au-dessus d’un ouvrier, d’un
paysan, ou d’un marchand qui vivaient de leur travail. Ces
vainqueurs des vainqueurs, ces bourreaux des crânes, à force de
rouler le monde, de batailler, de marauder, de piller, en Italie,
en Espagne, en Allemagne, en Pologne, n’avaient pour ainsi dire
plus de patrie ; cela ne connaissait plus sa province, son
village ; cela vous regardait père et mère, frères et sœurs
d’un œil farouche, et ne pensait plus qu’à l’avancement, à son
petit verre, à son tabac et à l’empereur.
    Je pourrais vous dire comment il fallait se
battre, s’empoigner tous les jours,
s’allonger des coups de
torchon
avec ces défenseurs de la patrie. À chaque instant,
dans notre boutique, malgré ma patience et les recommandations de
ma femme, j’avais des affaires désagréables ; il fallait
décrocher le

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