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Histoire d'un paysan - 1794 à 1795 - Le Citoyen Bonaparte

Histoire d'un paysan - 1794 à 1795 - Le Citoyen Bonaparte

Titel: Histoire d'un paysan - 1794 à 1795 - Le Citoyen Bonaparte Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Erckmann-Chatrian
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au milieu des tourbillons de neige
chassés par le vent. Sôme s’y trouvait ; il m’écrivit quelques
jours après une lettre que j’ai perdue, mais qui nous représenta ce
pays et cette bataille comme si nous les avions eus sous les
yeux.
    Moreau tourna l’ennemi dans une immense forêt
de hêtres et de sapins ; il le prit en tête et en queue, et
l’anéantit. C’est la dernière grande victoire de la république
gagnée par des républicains, et celle peut-être où le génie de la
guerre se montra le mieux dans son horrible grandeur. Bonaparte en
était tellement jaloux, qu’il a toujours dit que Moreau ne savait
pas ce qu’il faisait ; qu’il n’avait pas donné l’ordre à
Richepanse de tourner l’ennemi et que tout était arrivé par hasard.
Si le hasard gagne les batailles, son génie à lui était bien peu de
chose, car il n’a jamais montré que celui-là. Ses découvertes ne
l’ont pas fait nommer à l’Institut, je pense ; son idée de
nous ramener au temps de Charlemagne et à la monarchie universelle
n’avait pas le sens commun, ni ses inventions de comtes, de ducs,
de barons, de chambellans, de majorats : toutes ces
vieilleries, contraires à l’égalité, – qu’il voulait donner pour du
neuf, et que les flagorneurs nous représentent comme des inventions
sublimes, – sont tombés à plat aussitôt que ses sabres et ses
baïonnettes n’étaient plus là pour les soutenir.
    Enfin tout cela ne l’empêcha pas de s’attirer
le bénéfice de la victoire, comme à l’ordinaire.
    Après ce coup terrible, Moreau passa l’Inn, la
Salza, l’Ens, ramassant les canons, les caissons, les drapeaux et
les traînards par milliers ; il fit quatre-vingts lieues en
douze jours, et se trouvait aux portes de Vienne, lorsque
l’archiduc Charles, qui remplaçait au commandement son pauvre frère
Jean, demanda un armistice. Moreau ne parlait pas sans cesse des
malheurs du genre humain, mais il avait des entrailles pour ses
soldats ; il ne mettait pas son orgueil, – que les imbéciles
appellent la gloire, – avant tout ; il ne pensait pas à poser
le pied sur la gorge d’un prince ou d’un empereur, pour lui faire
crier grâce. Sa campagne était complète ; elle dégageait tout
le monde, en Italie, dans les Alpes, en Allemagne. Au lieu d’entrer
à Vienne, il accorda l’armistice, qui fut signé le 25 décembre à
Steyer, à condition que l’Autriche traiterait séparément de
l’Angleterre, que les places du Tyrol et de la Bavière seraient
livrées aux Français ; et c’est de Moreau que nous eûmes la
paix, cette paix tant promise !… que ni les ronflantes
batailles d’Italie, ni le passage du Saint-Bernard, ni la victoire
de Marengo, racontée de vingt manières différentes par Bonaparte,
n’avaient pu nous assurer. Moreau montra que les batailles
décisives frappent l’ennemi sur son propre terrain, comme un coup
de tonnerre dans sa maison, et non pas au loin, derrière des
fleuves et des lignes de montagnes qui lui permettent de se
remettre, de se réunir et de recevoir des secours.
    Hohenlinden est le modèle de toutes les
grandes batailles qu’on a vues depuis ; je ne dis pas dans les
détails mais dans le plan général, dans l’ensemble, dans la
première idée, et c’est le principal. Moreau faisait la grande
guerre, que d’autres ont voulu pousser jusqu’à Moscou ; mais
dans les meilleures choses il faut toujours conserver une certaine
mesure ; la vraie règle du génie, sa limite, c’est le bon
sens ; quand on la dépasse, il ne peut arriver que des
malheurs.
    Après Hohenlinden, Cobentzel et Joseph
Bonaparte, restés à Lunéville, n’avaient plus grand-chose à se
dire ; le premier consul leur signifia que la France garderait
la rive gauche du Rhin ; que l’Autriche conserverait
l’Adige ; qu’elle renoncerait pour toujours à la Toscane, et
qu’elle indemniserait les princes dépossédés sur la rive gauche,
aux dépens des princes ecclésiastiques d’Allemagne.
    Quand on est le plus faible, on plie les
épaules, c’est ce que fit Cobentzel ; d’autant plus que
l’empereur Paul I er venait de se déclarer pour
Bonaparte, qui lui rendait son île de Malte, et que ce dangereux
maniaque pouvait tomber sur l’Autriche d’un moment à l’autre.
    Mais il faut que je vous raconte maintenant
une chose épouvantable, qui me touche, moi, ma famille et mes amis,
plus que toutes ces vieilles histoires de guerres et de traités,
dont il ne

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