Hitler m'a dit
de l’esprit ou d’une soi-disant liberté scientifique. »
VII
L’ANTÉCHRIST
Je me souviens de la conversation qui va suivre jusque dans ses moindres détails. Elle m’a laissé une impression indestructible ; elle marque le début de mon éloignement progressif du parti : c’est ce jour-là que j’ai commencé à comprendre ce qu’était le national-socialisme et surtout ce qu’il voulait être. Nous étions réunis à la Chancellerie, dans les appartements d’Hitler. Un petit canapé, quelques sièges, une table. M me Raubal, M me Goebbels, Forster, Goebbels et moi, assis en rond. Derrière nous, le « Führer », le nouveau Chancelier du Reich, était à sa table de travail et feuilletait des documents en discutant avec Julius Streicher et Wagner de Munich. On servit du thé et des petits gâteaux. M me Raubal, la sœur de lait du Führer essaya bien d’amorcer une conversation banale, mais nous étions tous fatigués. M me Goebbels fardée comme il n’était pas permis à une Allemande, écoutait attentivement Hitler, et de mon côté, pour rien au monde, je ne me serais laissé arracher à la conversation qui se tenait derrière moi et qui semblait de plus en plus passionnante.
La soirée était déjà fort avancée. Hitler avait été au cinéma, honorer de sa présence un mauvais film patriotique à la gloire de Frédéric le Grand. Nous étions arrives à la Chancellerie avant Hitler et nous attendions son retour. Goebbels entra le premier : « Quel film fabuleux ! s’écria-t-il, un grand film ; exactement celui qu’il nous fallait. » Quelques instants plus tard, le Führer sortit de l’ascenseur. « Alors, et ce film ? » lança Forster en guise de salut. « Une horreur, une immondice ! Il faut le faire interdire par la police ! Vraiment on commence à abuser de ces âneries patriotiques ! » – « Vous avez tout à fait raison mon Führer » approuva Goebbels, en s’avançant. « C’est un film bien faible et bien mauvais. Ah ! nous avons encore une grande mission éducatrice à remplir. » Le prince Auguste-Wilhelm de Prusse qui avait accompagné Hitler et qui voulait rentrer chez lui, laissa tomber avec nonchalance sur le seuil de la porte : « Il serait temps de faire une loi dans le genre de la loi sur la protection des animaux, afin d’empêcher qu’on maltraite les souvenirs historiques. »
Si la date de cette soirée m’est restée gravée dans la mémoire, c’est aussi à cause du jour qui la suivit. J’étais à midi chez Hitler. J’avais été lui faire mon rapport de bonne heure. Ce jour était d’une importance capitale car il avait vu naître l’institution des Statthalter ou représentants du Reich dans les divers pays. Cette mesure n’avait d’autre but que d’étouffer à temps les tendances séparatistes qui commençaient à se faire jour un peu partout. En Bavière, par exemple, le mouvement autonomiste redevenait très dangereux pour les nationaux-socialistes. Si la Bavière avait su profiter de l’heure et surtout si le Kronprinz Rupprecht avait montré plus de décision, il est probable qu’une monarchie bavaroise aurait préparé au mouvement national-socialiste une fin rapide et brutale. La réforme de la vieille Allemagne aurait pris une autre direction et d’autres formes…
Notre conversation nocturne avait porté sur les graves soucis que causaient ces tendances. C’était pour en discuter en détail que deux Gauleiters bavarois, Streicher, de Franconie, et Wagner, de Munich, avaient été convoqués à Berlin. Je n’avais pas écouté le début de la conversation. Mais derrière moi la voix d’Hitler s’éleva, stridente pour répondre à un propos de Streicher, et je prêtai l’oreille.
« Les religions ? Toutes se valent. Elles n’ont plus, l’une ou l’autre aucun avenir. Pour les Allemands tout au moins. Le fascisme peut, s’il le veut, faire sa paix avec l’Église. Je ferai de même. Pourquoi pas ? Cela ne m’empêchera nullement d’ extirper le christianisme de l’Allemagne. Les Italiens, gens naïfs, peuvent être en même temps des païens et des chrétiens. Les Italiens et les Français, ceux qu’on rencontre à la campagne, sont des païens. Leur christianisme est superficie, reste à l’épiderme. Mais l’Allemand est différent. Il prend les choses au sérieux : il est chrétien ou païen, mais non l’un et l’autre. D’ailleurs, comme Mussolini n’arrivera jamais à
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