Hitler m'a dit
règle commune du feu, c’est entrer dans le jeu, c’est faire le jeu de l’adversaire. Hitler n’a-t-il pas dit à M. Rauschning que c’est toujours l’invraisemblable et l’impossible qui réussit ? Vous entrez dans le ring pour un match de boxe ; vous serrez la main du boxeur d’en face et l’abattez d’un coup de revolver. C’est par des méthodes aussi simples qu’Adolf Hitler s’est assuré tous ses succès. Il ignore les difficultés, méprise les avis des experts, fonce sur l’obstacle et le renverse. « J’ai, dit-il, le don de simplifier. »
Simplifier pour la foule des esprits simples dont Hitler veut fomenter, nourrir, exploiter la rébellion. Simplifier pour les besoins de son propre esprit, inculte et primaire, jaloux de toute compétence et de toute culture. C’est ainsi qu’Alaric ou Genséric simplifièrent les problèmes complexes du Bas-Empire romain. La première simplification d’Hitler consista à mobiliser les masses allemandes, aigries par la défaite et la disette, contre la minorité juive désarmée. À vingt contre un, tue, pille et assomme : quoi de plus simple ? Mais dépouillez surtout les Juifs, sans trop les tuer, car il faut faire durer le plaisir, et ils nous serviront aussi de gages et d’otages pour faire chanter les démocraties. Car voici venir la deuxième simplification, qui consiste à résoudre la question sociale par la distribution de chemises brunes aux ouvriers démocrates et socialistes, par l’absorption des syndicats, de leur personnel et de leur caisse. Et voici déjà la troisième simplification, celle de la politique internationale. D’un côté l’irréprochable Allemagne, de l’autre les « démocraties » fétides, pourries de christianisme, de bolchevisme, de moralisme, de juiverie et de mercantilisme. Dans l’évangile du nouveau Messie, les premiers seront les derniers ; les pauvres prendront la place des riches, les forts celle des faibles, les vaincus celle des vainqueurs. La guerre de 1914 a infligé au peuple allemand une lésion traumatique collective, qui lui a valu la défaite et la « honte de Weimar ». Mais les vainqueurs ne se sont pas aperçu qu’ils étaient eux-mêmes empoisonnés. L’essence et le poison des régimes démocratiques, ce n’est pas la liberté ; c’est l’esprit de compromis et d’arbitrage, issu de la commodité, de la lâcheté, d’une convoitise abjecte de la sécurité et de la paix. Déjà les petits peuples désarment et les grands envoient à Genève leurs experts du désarmement. Eh bien, l’Allemagne leur offrira tous les compromis qu’ils voudront ; mais c’est elle qui sera l’arbitre. Cela aussi sera très simple : je leur donnerai ma garantie et ma parole, moi, Hitler, et quand je retirerai l’une et romprai l’autre, ces démocrates me supplieront de leur accorder encore un nouveau compromis, et un nouveau sursis. Je cueillerai ainsi une conquête après l’autre, cependant que les nations provisoirement épargnées s’habitueront à une autre de mes simplifications, celle qui divise le monde, pour son bien, en deux régions inégales, l’Allemagne au centre, et tout autour d’elle son espace vital. Et Hitler de simplifier encore, à la manière de Picrochole. D’un trait de plume ou d’une pluie de tracts de Goebbels, il supprime les neutres. Avec guerre ou sans guerre, la Grande-Bretagne et la France subiront l’assimilation, la Gleichschaltung. La conquête des pays baltes, déjà aux trois quarts germanisés, et celle de la Roumanie ouvriront aux légions allemandes l’espace russe : voyez Mein Kampf ; à moins qu’il ne faille scinder en deux étapes la conquête du monde, comme le souhaitent Haushoffer et quelques généraux de la Reichswehr… Hitler n’est pas un doctrinaire ; il patientera, s’il le faut, avec les bolchéviks, comme les bolcheviks, à Brest-Litovsk, ont patienté avec l’Allemagne, ne lui cédant l’espace de l’Est que pour le reprendre un peu plus tard. L’Italie est rivée à l’Allemagne par le pacte d’acier. Reste l’espace transocéanique : les États-Unis déjà ruinés, impuissants, dominés par cette « classe des futurs maîtres » que sont les Germano-américains ; le Mexique avec ses puits de pétrole et ses mines ; l’Amérique du Sud, Eldorado de la colonisation hitlérienne… Hitler n’en fait qu’une bouchée. Il a déjà, dans ses tiroirs, des plans de dépeuplement des nations
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