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Hommage à la Catalogne

Hommage à la Catalogne

Titel: Hommage à la Catalogne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: George Orwell
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la guerre, et ce ne fut que vers le mois de février qu’il commença de s’imposer à mon attention. Si les horreurs de la politique partisane ne vous intéressent pas, ne lisez pas ce qui suit, je vous en prie. C’est précisément pour vous permettre de ne pas le lire que je me suis efforcé de concentrer toute la substance politique de ce récit dans ces deux Appendices. Mais, d’autre part, il serait tout à fait impossible d’écrire sur la guerre d’Espagne en s’en tenant à un point de vue exclusivement militaire. Car ce fut avant tout une guerre politique. Aucun de ses épisodes, tout au moins pendant la première année, n’est intelligible sans quelque connaissance de la lutte intestine des partis qui se poursuivait à l’arrière du front gouvernemental.
    À mon arrivée en Espagne, et durant un certain temps ensuite, non seulement je ne m’intéressais pas à la situation politique, mais je l’ignorais. Je savais qu’on était en guerre, mais je ne me doutais pas de la nature de cette guerre. Si vous m’aviez demandé pourquoi je m’étais engagé dans les milices, je vous aurais répondu : « Pour combattre le fascisme », et si vous m’aviez demandé pour quoi je me battais, je vous aurais répondu : « Pour maintenir le respect de l’humain ». J’avais accepté la version News Chronicle   - New Statesman de la guerre : défense de la civilisation contre l’explosion de la folie furieuse d’une armée de colonels Blimp {10} à la solde de Hitler. L’atmosphère de Barcelone m’avait profondément séduit, mais je n’avais fait aucun effort pour la comprendre. Quant au kaléidoscope des partis politiques et des syndicats, avec leurs fastidieuses appellations : P.S.U.C. – P.O.U.M. – F.A.I. – C.N.T. – U.G.T. – J.C.I. – J.S.U. – A.I.T., il m’exaspérait tout simplement. L’on eût dit, à première vue, que l’Espagne souffrait d’une épidémie d’initiales. Je savais que je servais dans quelque chose qui s’appelait P.O.U.M. (si je m’étais engagé dans les milices du P.O.U.M., c’était simplement parce que j’étais venu en Espagne avec un laissez-passer de l’I.L.P.), mais je ne me rendais pas compte qu’il y avait de graves différences entre les partis politiques. Quand, au Monte Pocero, on me montra la position sur notre gauche en me disant : « Ceux-là, ce sont des socialistes » (voulant dire par là : des membres du P.S.U.C.), je rétorquai, tout étonné : « Mais, ne sommes-nous pas tous des socialistes ? » Et je trouvais idiot que des gens qui se battaient pour l’existence formassent plusieurs partis séparés. Pourquoi donc ne pas renoncer une bonne fois pour toutes à ces niaiseries politiques et ne pas nous occuper exclusivement de gagner la guerre ? telle était de façon constante ma manière de voir. C’était, bien entendu, la manière de voir « antifasciste » réputée juste et propagée avec zèle par les journaux anglais, dans le but principalement d’empêcher les gens de saisir la nature réelle de la lutte. Mais en Espagne, tout particulièrement en Catalogne, c’était une manière de voir que personne ne pouvait indéfiniment conserver et ne conservait. Chacun, bien qu’à contrecœur, prenait parti tôt ou tard. Car même si quelqu’un ne se souciait pas des partis politiques et de leurs « lignes » contradictoires, il n’était que trop évident que son propre sort ne s’y trouvait pas moins engagé. En tant que milicien on était un soldat contre Franco, mais on était aussi un pion dans la gigantesque lutte que se livraient deux théories politiques. Quand, à flanc de montagne, j’allais à la recherche de bois à brûler en me demandant si réellement c’était là une guerre ou si le News Chronicle l’avait inventée ; quand j’évitais les mitrailleuses communistes pendant les émeutes de Barcelone ; quand finalement je me suis enfui d’Espagne avec la police à mes trousses – tout cela m’est arrivé très précisément de cette manière parce que je servais dans les milices du P.O.U.M. et non dans le P.S.U.C. Tant est grande la différence entre deux jeux d’initiales !
    Pour comprendre la démarcation des partis politiques du côté gouvernemental, il faut se rappeler de quelle manière la guerre avait commencé. Au moment où la lutte se déclencha, le 18 juillet, il est probable que tout antifasciste en Europe sentit un frémissement d’espoir. Car ici

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