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Hommage à la Catalogne

Hommage à la Catalogne

Titel: Hommage à la Catalogne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: George Orwell
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étaient l’âme et le nerf de la résistance, accomplissaient de tels exploits pour sauvegarder la démocratie capitaliste qui ne représentait rien de plus à leurs yeux, surtout à ceux des anarchistes, qu’un appareil centralisé d’escroquerie !
    Cependant les ouvriers avaient en main des armes, et à ce stade des événements ils se gardèrent bien de les rendre. (On a calculé que même un an plus tard les anarcho-syndicalistes étaient encore en possession de 30 000 fusils.) En beaucoup d’endroits les paysans saisirent les domaines des grands propriétaires fonciers pro-fascistes. Tout en procédant à la collectivisation de l’industrie et des transports, on tenta d’établir un gouvernement ouvrier rudimentaire au moyen de comités locaux, de patrouilles d’ouvriers remplaçant les anciennes forces de police pro-capitalistes, et de milices d’ouvriers levées sur la base des syndicats, etc. Naturellement le processus ne fut pas uniforme et il fut plus accentué en Catalogne que partout ailleurs. Il y eut des régions où les institutions du gouvernement local demeurèrent à peu près sans changement, et d’autres où elles coexistèrent avec les comités révolutionnaires. Dans quelques localités, des communes anarchistes indépendantes s’organisèrent, dont certaines restèrent en exercice pendant un an environ, jusqu’au moment où le gouvernement les supprima par la violence. En Catalogne, pendant les tout premiers mois, la plus grande partie du pouvoir effectif était aux mains des anarcho-syndicalistes qui contrôlaient la plupart des industries de base. Ce qui avait eu lieu en Espagne, en réalité, ce n’était pas simplement une guerre civile, mais le commencement d’une révolution. C’est ce fait-là que la presse antifasciste à l’étranger avait pris tout spécialement à tâche de camoufler. Elle avait rétréci l’événement aux limites d’une lutte « fascisme contre démocratie » et en avait dissimulé, autant que possible, l’aspect révolutionnaire. En Angleterre, où la presse est plus centralisée et le public plus facilement abusé que partout ailleurs, deux versions seulement de la guerre d’Espagne avaient pu être publiées : la version de la droite selon laquelle il s’agissait de patriotes chrétiens luttant contre des bolcheviks dégouttants de sang ; et la version de la gauche selon laquelle il s’agissait de républicains bien élevés réprimant une rébellion militaire. La vérité intermédiaire a été soigneusement dissimulée.
    Il y eut diverses raisons à cela. En premier lieu, la presse pro-fasciste répandait d’effroyables et mensongers récits d’atrocités, et des propagandistes bien intentionnés s’imaginèrent certainement rendre service au gouvernement espagnol en niant que l’Espagne fût devenue « rouge ». Mais la raison principale était la suivante : à l’exception des petits groupements révolutionnaires qui existent dans tous les pays, le monde entier était résolu à empêcher la révolution en Espagne. Notamment le parti communiste, avec la Russie soviétique derrière lui, s’était jeté de tout son poids à l’encontre de la révolution. C’était la thèse communiste que, au stade actuel, faire la révolution serait fatal et que le but à atteindre en Espagne ne devait pas être le pouvoir ouvrier, mais la démocratie bourgeoise. Il est à peine besoin de souligner pourquoi ce fut cette ligne-là qu’adopta également l’opinion capitaliste « libérale ». Un énorme capital étranger était investi en Espagne. La Compagnie des Transports de Barcelone, par exemple, représentait dix millions de livres de capital anglais ; or les syndicats avaient saisi tous les transports en Catalogne. Si la révolution se poursuivait, il n’y aurait pas de dédommagement, ou très peu ; si la république capitaliste prévalait, il n’y aurait pas à craindre pour les investissements étrangers. Et puisqu’il fallait écraser la révolution, cela simplifierait grandement les choses de prétendre qu’il n’y avait pas eu de révolution. De cette manière on pourrait dissimuler la signification véritable de chaque incident ; présenter tout transfert de pouvoir des syndicats au gouvernement central comme une étape nécessaire dans la réorganisation militaire. Il en résulta une situation curieuse à l’extrême. Hors d’Espagne peu de gens saisirent qu’il y avait une révolution ; en Espagne personne

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