Il fut un jour à Gorée
PRÉFACE
du Directeur général de l’UNESCO
L’esclavage raconté à nos enfants, inspiré du récit de Joseph N’Diaye, conservateur de la maison des Esclaves, île de Gorée, Sénégal.
L’ouvrage que vous avez entre les mains est le témoignage poignant d’un homme qui a consacré sa vie entière à lutter contre l’oubli et à briser le silence sur l’une des plus grandes tragédies de l’histoire humaine : la traite négrière et l’esclavage. C’est le récit de Joseph N’Diaye, grand conservateur de la maison des Esclaves de l’île de Gorée, au large de Dakar, au Sénégal, qui s’est consacré à cette mission particulière. Par son courage, sa détermination et son savoir-faire, cet homme d’une grande humanité a œuvré pour rappeler à la conscience universelle la terrible entreprise de déshumanisation que fut la traite négrière. Un commerce honteux d’êtres humains qui, pendant plus de quatre siècles, a arraché des millions d’hommes, de femmes et d’enfants à leur terre et à leur famille pour les réduire à l’état de marchandises que l’on pouvait acheter, utiliser jusqu’à leur mort, prêter, échanger, léguer en héritage. Tueries, viols, tortures et d’autres cruautés ont accompagné ce trafic et cette exploitation d’êtres humains, hélas autorisés par les lois des pays qui les pratiquaient jusqu’aux abolitions advenues au XIX e siècle. C’est pourquoi la traite négrière et l’esclavage ont été reconnus par les Nations Unies comme un crime contre l’humanité lors de la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée, qui a eu lieu en Afrique du Sud en 2001. Soumis à l’état d’esclaves par la violence la plus extrême, les victimes ont pourtant résisté à leur déshumanisation avec tous les moyens dont ils pouvaient disposer, notamment avec la force de leur culture et de leur spiritualité. Ils remporteront même la première victoire d’esclaves contre leurs oppresseurs dans l’Histoire en 1804 en Haïti, donnant naissance à la révolution haïtienne qui sera la première révolution à mettre en pratique l’universalité des droits de l’humanité. S’inspirant de leur héritage culturel africain qu’ils ont su conserver et des autres apports, les esclaves inventeront de nouvelles expressions qui influenceront profondément les arts, les comportements et les croyances dans les sociétés affectées par l’esclavage. Le jazz, le blues, le rock, le hip-hop et d’autres formes d’expression artistique qui passionnent tant de jeunes et de moins jeunes aujourd’hui sont issus de cette tragédie.
L’auteur de cet ouvrage a voulu s’adresser de préférence à la jeune génération. C’est pourquoi il a choisi une approche didactique pour lui raconter cette histoire douloureuse. Dans un style simple et accessible à tous, il réussit à livrer un enseignement utile, lequel contribuera à garder vivante la mémoire de l’esclavage et à lutter contre le racisme et les discriminations découlant des préjugés raciaux qui ont été élaborés pour justifier ce crime contre l’humanité. Ce livre rend un vivant hommage à l’important travail de transmission de la mémoire et au partage des valeurs d’humanisme accomplis par Joseph N’Diaye. Son vibrant appel aux consciences pour respecter les autres, les comprendre et les accepter dans leurs différences ne s’adresse pas seulement à l’Afrique et à sa diaspora, mais aux citoyens de tous les pays qui aspirent à un monde meilleur.
En reconnaissance de sa contribution notoire à ce travail remarquable, l’UNESCO avait décerné à Joseph N’Diaye, le 15 mars 2004, la médaille Haïti, en souvenir de la résistance et de la libération des esclaves par eux-mêmes. Cette médaille rend aussi hommage à son travail de conservateur qui a contribué de façon active à la valorisation, comme patrimoine mondial de l’humanité, de l’île de Gorée, aujourd’hui lieu de pèlerinage des descendants de la traite négrière d’Afrique, des Amériques et de l’océan Indien. En donnant à un jeune public la possibilité de comprendre ces pages tragiques de l’histoire humaine, l’ouvrage de Joseph N’Diaye comblera sûrement une lacune, aussi bien en Afrique que dans le reste du monde. C’est d’ailleurs pour répondre à cette nécessité de faire la lumière sur ce phénomène occulté que
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