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Imperium

Imperium

Titel: Imperium Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Harris
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étaient prêtes à passer dans le camp des aristocrates
pour peu que ceux-ci leur proposent des pots-de-vin suffisants.
    À la fin du mois de janvier, Gabinius fit savoir que les
dernières forteresses rebelles d’Uxama et de Calagurris venaient de tomber, et
que Pompée était prêt à ramener ses légions. Cicéron avait fait campagne parmi
les pedarii pendant des semaines, prenant les sénateurs à part pendant
qu’ils attendaient les débats pour les persuader que les esclaves rebelles du
nord de l’Italie constituaient une menace grandissante pour leurs affaires et
leur commerce. Il se montra convaincant. Quand le sujet fut débattu au Sénat,
malgré l’intense opposition des aristocrates et des partisans de Crassus, la
chambre vota de justesse l’autorisation pour Pompée de revenir d’Espagne avec
toute son armée afin d’écraser les rebelles que Spartacus avait ralliés dans le
Nord. Dès lors, la charge de consul lui était acquise et, le jour où la motion
fut votée, Cicéron souriait en rentrant chez lui. Il est vrai qu’il avait été
dédaigné par les aristocrates, qui le détestaient à présent plus que quiconque
à Rome, et le consul en fonctions, le terriblement hautain Publius Cornélius
Lentulus Sura, avait même refusé de le reconnaître lorsqu’il avait voulu
prendre la parole. Mais quelle importance ? Cicéron frayait avec le petit
cercle des intimes de Pompée le Grand et, comme n’importe quel imbécile peut s’en
apercevoir, le moyen le plus sûr de progresser en politique est de se tenir
près de celui qui est tout en haut.
    Durant ces mois de folie, je dois avouer non sans honte que
nous avons négligé Sthenius de Therme. Il débarquait souvent le matin, et
traînait dans le sillage du sénateur toute la journée dans l’espoir d’en
obtenir un entretien. Il vivait toujours dans le taudis de Terentia. Il n’avait
presque pas d’argent. Il ne pouvait pas s’aventurer au-delà de l’enceinte de la
ville puisque son immunité s’arrêtait aux frontières de Rome. Il n’avait ni
rasé sa barbe ni coupé ses cheveux ni, à l’odeur, changé de vêtements depuis le
mois d’octobre. Il empestait, pas seulement à cause de sa folie, mais à cause
de son obsession, et il ne cessait de produire de petits bouts de papier qu’il
mélangeait sans arrêt et laissait tomber dans la rue.
    Cicéron trouvait toujours de nouvelles excuses pour ne pas
le voir. Sans doute considérait-il qu’il s’était acquitté de ses obligations.
Mais il n’y avait pas que cela. Les politiques sont comme les idiots du village :
ils ne peuvent se concentrer que sur une chose à la fois. Le pauvre Sthenius
était simplement le sujet de la veille. La confrontation à venir entre Crassus
et Pompée occupait à présent tous les esprits. À la fin du printemps, Crassus
avait fini par vaincre le gros des rebelles dans le talon italien, tuant
Spartacus et faisant dix mille prisonniers. Il avait commencé à marcher sur
Rome. Peu après, Pompée avait traversé la frontière et maté la rébellion des
esclaves dans le Nord. Il envoya une lettre qui fut lue au Sénat, ne
reconnaissant que très peu de mérite à Crassus pour son exploit et proclamant
au contraire que c’était en fait lui qui avait mis fin « de façon absolue
et complète » à la guerre des esclaves. Le message à ses partisans n’aurait
pu être plus clair : un seul général devait triompher cette année-là, et
ce ne serait pas Marcus Crassus. Enfin, au cas où un doute subsisterait, Pompée
annonçait à la fin de sa dépêche que lui aussi se dirigeait vers Rome. Il n’était
guère étonnant que, au milieu de tous ces événements historiques, Sthenius fût
quelque peu oublié.
    Dans le courant du mois de mai, me semble-t-il, à moins que
ce ne fût début juin – je ne retrouve pas la date exacte – un
messager arriva chez Cicéron avec une lettre. L’homme me laissa la prendre à
contrecœur, mais refusa de quitter les lieux avant d’avoir reçu une réponse :
tels étaient ses ordres, nous assura-t-il. Bien qu’il fût en civil, je reconnus
en lui un militaire. Je portai le message dans le bureau et vis l’expression de
Cicéron s’assombrir à mesure qu’il lisait. Il me le tendit, et lorsque je
découvris l’en-tête – « De Marcus Licinius Crassus, imperator, à
Marcus Tullius Cicéron : salutations » –, je compris la raison
de sa contrariété. Non qu’il y eût quoi que ce fût de

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