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Imperium

Imperium

Titel: Imperium Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Harris
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menaçant dans la lettre.
Ce n’était qu’une invitation à rencontrer le général victorieux le lendemain
matin sur la route de Rome, près de la ville de Lanuvium, à la borne dix-huit.
    — Puis-je décliner ? demanda Cicéron à voix haute
avant de donner lui-même la réponse : Non, c’est impossible. Cela
passerait pour une insulte mortelle.
    — Il va sans doute te demander ton soutien.
    — Tu crois ? fit Cicéron sur un ton sarcastique.
Qu’est-ce qui te fait penser une chose pareille ?
    — Ne pourrais-tu lui donner quelques encouragements
modérés, dans la mesure où cela n’interfère pas avec tes engagements envers
Pompée ?
    — Non, et c’est bien le problème. Pompée a été très
clair. Il exige une loyauté absolue. Et Crassus va me demander si je suis pour
ou contre lui. Alors il me faudra affronter le cauchemar de tout politicien :
devoir répondre sans détour, expliqua-t-il avec un soupir. Mais nous sommes
obligés d’y aller, bien sûr.
    Nous partîmes le lendemain matin, peu après l’aube, dans une
voiture découverte à deux roues, le valet de Cicéron faisant office de cocher
pour l’occasion. C’était le moment idéal à l’époque la plus parfaite de l’année,
déjà assez chaude pour que les gens puissent se baigner dans les bains publics
près de la porte Capena, mais assez fraîche pour que l’air soit agréable. La
poussière habituelle ne s’élevait pas encore de la route. Les feuilles des
oliviers étaient d’un vert frais et brillant. Même les tombes qui bordent la
voie Appienne de façon si dense sur cette portion de route juste derrière le mur
paraissaient gaies et colorées dans les premières lueurs du soleil. En temps
normal, Cicéron se plaisait à attirer mon attention sur tel ou tel monument, me
faisant carrément un cours magistral – la statue de Scipion l’Africain
par exemple, ou la tombe d’Horacia, assassinée par son père pour avoir montré
un chagrin excessif à la mort de son amant. Mais en cette matinée, sa belle
humeur habituelle l’avait quitté. Il était trop préoccupé par Crassus.
    — La moitié de Rome lui appartient – ces
tombes aussi, ça ne m’étonnerait pas. On pourrait y abriter une famille tout
entière ! Pourquoi pas ? C’est ce que ferait Crassus ! Tu l’as
déjà vu à l’œuvre ? S’il entend parler d’un incendie qui fait rage et
menace de se propager dans un quartier, il envoie une équipe d’esclaves faire
le tour des habitations pour proposer aux propriétaires de les leur racheter
pour presque rien. Quand les malheureux ont accepté, il leur envoie une autre
équipe avec des citernes pour éteindre le feu ! C’est encore une de ses
fourberies. Tu sais comment l’appelle Sicinnius – sans oublier bien
sûr que Sicinnius n’a jamais peur de personne ? Il dit de Crassus que c’est
« le taureau le plus dangereux du troupeau ».
    Son menton retomba contre sa poitrine et il n’ajouta rien
avant que nous ayons dépassé la huitième borne et ne soyons en pleine campagne,
non loin de Bovillae. C’est alors qu’il attira mon attention sur un détail
curieux : des détachements de soldats qui gardaient ce qui ressemblait à
de petits dépôts de bois. Nous en avions déjà dépassé quatre ou cinq, espacés d’un
demi-mille les uns des autres. Et plus nous avancions, plus l’activité semblait
importante – on donnait des coups de marteau, on sciait, on creusait.
C’est Cicéron qui finit par trouver la solution de l’énigme. Les légionnaires
fabriquaient des croix. Peu après, nous croisâmes une colonne de soldats de l’infanterie
de Crassus qui marchaient vers nous, en direction de Rome, et nous dûmes nous
écarter sur le bas-côté de la route pour les laisser passer. Après les
légionnaires venait une longue procession de prisonniers titubants, des
centaines d’esclaves rebelles vaincus, les bras liés derrière le dos – une
terrible armée de spectres gris et émaciés se traînant, sans doute sans le
savoir, vers un destin dont nous venions de voir les préparatifs. Notre cocher
marmonna une incantation pour repousser le mauvais sort et fit claquer son
fouet sur les flancs des chevaux. Nous accélérâmes dans un sursaut. Un bon
mille plus loin, la tuerie commença, par petits groupes, de part et d’autre de
la route. On crucifiait les prisonniers sur place. Je m’efforce de ne jamais y
penser mais, parfois, des images me reviennent en rêve,

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