Imperium
par tous les chevaliers et la cavalerie, dont l’armure
rutilait dans le pâle soleil de décembre. Fermaient la marche les légions d’infanterie
de Pompée, des milliers et des milliers de soldats burinés qui marchaient au
pas, le fracas de leurs bottes donnant l’impression de faire trembler la terre.
Ils hurlaient à pleine voix Io Triumphe !, chantaient des hymnes
aux dieux et des chansons salaces sur leur commandant en chef, comme ils
avaient traditionnellement le droit de le faire en ce jour de gloire.
Il fallut la moitié de la matinée pour qu’ils défilent tous,
la procession sillonnant les rues jusqu’au forum où, comme le voulait la
tradition, pendant que Pompée gravissait les marches du Capitale pour procéder
au sacrifice devant le temple de Jupiter, ses prisonniers les plus éminents
étaient emmenés dans les profondeurs de la prison et étranglés – quel
meilleur jour que celui qui mettait fin à l’autorité militaire du vainqueur
pour mettre fin à la vie des vaincus ? J’entendis les acclamations
lointaines au sein de la cité, mais préférai m’épargner ce spectacle et restai
près de la porte Triomphale avec la foule de moins en moins nombreuse pour
assister à l’ovation de Crassus. Il en tira le meilleur parti et défila avec
ses fils près de lui, mais en dépit de tous les efforts de ses agents pour
stimuler quelque enthousiasme, le spectacle paraissait bien terne après le faste
époustouflant du cortège de Pompée. Je suis certain qu’il en était fort
contrarié tandis qu’il se frayait un chemin entre les crottins de cheval et les
bouses d’éléphant laissés par son collègue consulaire. Il n’avait même pas
beaucoup de prisonniers à faire défiler, le pauvre, les ayant presque tous fait
exécuter le long de la voie Appienne.
Le lendemain, Cicéron se rendit chez Scipion. Je l’accompagnais
avec un coffret à documents – un de ses stratagèmes favoris pour
tenter d’intimider la partie adverse. Nous n’avions aucune preuve et je l’avais
simplement rempli de vieux reçus.
La demeure de Scipion se trouvait sur la Voie sacrée, bordée
de boutiques – il ne s’agissait bien entendu pas de boutiques
ordinaires mais de bijouteries chic dont les marchandises s’exposaient derrière
des grilles métalliques. Cicéron ayant fait prévenir de sa visite, notre
arrivée était attendue et nous fûmes aussitôt introduits par un valet en livrée
dans l’atrium de Scipion. On a pu décrire cet endroit comme « l’une des
merveilles de Rome », et c’était vrai, même à l’époque. Scipion pouvait
suivre les traces de sa famille sur au moins onze générations, neuf d’entre
elles ayant produit des consuls. Les murs autour de nous étaient bordés des
masques de cire des Scipiones, certains vieux de plusieurs siècles, jaunis par
la crasse et la fumée (par la suite, l’adoption de Scipion par Pius devait
apporter six nouveaux masques consulaires dans l’atrium déjà encombré) et qui
exhalaient ce mélange ténu d’encens et de poussière qui représente pour moi le
parfum de l’antiquité. Cicéron fit le tour de la pièce en déchiffrant les
inscriptions. Le masque le plus ancien avait trois cent vingt-cinq ans. Mais
naturellement, ce fut celui de Scipion l’Africain, vainqueur d’Hannibal, qui le
fascina le plus, et il passa un long moment courbé, à l’examiner. C’était un
visage noble et sensible – lisse, sans ride, éthéré, évoquant
davantage la représentation d’une âme qu’un être de chair et de sang.
— Poursuivi, bien entendu, par l’arrière-grand-père de notre
client actuel, commenta Cicéron en se redressant. Les Caton ont toujours eu l’esprit
de contradiction.
Le valet revint et nous le suivîmes dans le tablinum. Là, le
jeune Scipion se prélassait sur un divan entouré d’objets précieux – statues,
bustes, objets anciens, tapis roulés et autres. On aurait dit la chambre
funéraire d’un potentat oriental. Il ne se leva pas à l’entrée de Cicéron (une
insulte pour un sénateur) et ne l’invita pas non plus à s’asseoir, mais se
contenta de lui demander d’une voix traînante ce qui l’amenait. Cicéron s’employa
à le lui énoncer, fermement mais avec courtoisie, l’informant que le dossier de
Caton était inattaquable d’un point de vue juridique, étant donné que Caton
était à la fois officiellement fiancé à la jeune personne, et qu’il était son
tuteur. Il désigna
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