Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Imperium

Imperium

Titel: Imperium Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Harris
Vom Netzwerk:
vociféra-t-il. Un
espion ! Il ne disait ça que pour retarder son châtiment !
    —  Mais il l’a dit ! s’exclama triomphalement
Cicéron, qui déboula vers lui en agitant un doigt accusateur. Tu admets qu’il l’a
dit. Je t’accuse en me fondant sur tes propres paroles : l’homme clamait
qu’il était un citoyen romain, et tu n’as rien fait ! Cette mention à sa
citoyenneté ne t’a pas fait hésiter, ne t’a pas incité à retarder, ne fût-ce
que d’un moment, l’exécution d’une peine de mort aussi cruelle que révoltante !
Si toi, Verres, tu avais été arrêté en Perse ou dans une partie reculée de l’Inde
et qu’on t’avait traîné sur le lieu de ton supplice, quel cri aurais-tu émis
sinon de clamer que tu es citoyen romain ? Qu’en était-il donc de cet
homme que tu précipitais vers la mort ? Le seul fait qu’il ait assuré être
citoyen romain n’aurait-il pas dû l’épargner pendant une journée, ne fût-ce qu’une
heure, afin de vérifier la véracité de ses dires ? Eh bien non, pas avec
toi comme magistrat ! Et pourtant, l’homme le plus pauvre, de la plus
humble extraction, a toujours eu jusqu’à présent l’assurance, même en les
terres les plus reculées, que le cri « Je suis un citoyen romain »
était l’ultime défense, le dernier sanctuaire. Ce n’est pas seulement Gavius,
citoyen obscur, que tu as cloué sur cette croix d’agonie : c’est le
principe universel qui veut que tous les Romains sont des hommes libres !
    Le tumulte qui accueillit la fin de la tirade de Cicéron fut
terrifiant. Loin de s’apaiser au bout de quelques instants, il repartit de plus
belle et s’amplifia encore, et je pris conscience, à la périphérie de mon champ
de vision, d’un mouvement dans notre direction. Les vélariums sous lesquels se
tenaient certains spectateurs pour se protéger du soleil commencèrent à céder
avec un effroyable bruit de déchirement. Un homme tomba d’un balcon sur la
foule en dessous. Il y eut des cris. Une foule manifestement prête à faire
justice elle-même fonça vers les marches de la plate-forme. Hortensius et
Verres se levèrent si précipitamment qu’ils renversèrent le banc derrière eux.
On entendit Glabrio crier l’ajournement du procès avant que ses licteurs et
lui-même montent à la hâte les marches qui les séparaient du temple, l’accusé
et son éminent conseiller se précipitant à leur suite de la manière la plus
indigne. Certains jurés s’enfuirent également vers le sanctuaire de l’édifice
sacré (mais pas Catulus : je me souviens très bien de lui debout sur un
rocher anguleux, regardant droit devant lui tandis que la masse des corps
déferlait autour de lui). Les lourdes portes de bronze se refermèrent. Il
revenait donc à Cicéron de monter sur son banc pour tenter de restaurer le
calme, mais quatre ou cinq hommes, de solides gaillards en vérité, gravirent
les marches au pas de course, le saisirent par les jambes et le soulevèrent. J’étais
terrifié, tant pour ma propre sécurité que pour la sienne, mais il étendit les
bras comme s’il voulait étreindre le monde entier.
    Lorsqu’ils l’eurent solidement installé sur leurs épaules,
les hommes firent en sorte qu’il soit face au forum. Le tonnerre d’applaudissements
qui s’ensuivit retentit avec fracas tandis que le cri de « Ci-cé-ron !
Ci-cé-ron ! Ci-cé-ron ! » déchirait le ciel de Rome.
     
    Et ce fut la fin de Gaius Verres. Nous ne sûmes jamais
exactement ce qui se passa à l’intérieur du temple après que Glabrio eut
suspendu la séance, mais Cicéron pensait qu’Hortensius et Metellus avaient dû
faire comprendre à leur client que toute défense serait inutile. Leurs propres
dignité et autorité étaient déjà très compromises. Il fallait absolument qu’ils
se débarrassent de lui avant que la réputation du Sénat n’ait à souffrir
davantage. Verres pouvait avoir payé les jurés autant qu’il voulait – aucun
membre du jury n’oserait voter son acquittement après les scènes dont ils
venaient d’être témoins. Quoi qu’il en soit, Verres sortit subrepticement du
temple dès que la foule se fut dispersée, puis quitta la ville à la nuit tombée – déguisé,
prétendent certains, en femme – et s’enfuit à bride abattue vers le
sud de la Gaule. Sa destination était le port de Massilia, où les exilés
échangeaient traditionnellement l’histoire de leur infortune au-dessus

Weitere Kostenlose Bücher