Inaccessible Étoile
un fou furieux, un mauvais, me fait lever et me gifle à tour de bras devant tous. C’était sa manie, il fallait se mettre debout devant lui, les mains dans le dos, la tête haute, alors, il nous balançait de grandes gifles dans la figure.
Pendant qu'on emmène l'autre énergumène à l’hôpital, je ne pleure pas. Surtout ne pas pleurer ! Ne pas montrer un signe de faiblesse, mais le contraire ! La force et la détermination.
Au bout d'un moment, je me saisis d'une chaise prêt à répondre en me battant avec le maton, dut-il me tuer.
Cela n'arriva pas, car le directeur, Monsieur Mas, arriva dans le réfectoire avant que je rabatte la chaise sur le maton.
Je ne lui aurais certainement pas fait grand mal vu la différence de taille et d'âge, mais l'intention était là.
Je ne sais ce qui se passa dans mon dos ensuite, toujours est-il que le directeur voulut me renvoyer, mais qu'un juge fit en sorte que je ne sois pas viré.
Une assistante sociale, Madame Mattioda et mon père intervinrent dans ce sens, également.
D’ailleurs où m’auraient-ils envoyé ? En prison ?
J’étais trop jeune.
En tout cas, le lendemain j'étais chef à la place du chef, et reprenais sa bande.
Il y avait trois chefs dans l'école. Un pour les jeunes comme nous, les moins de quinze ans. Un pour les quinze, seize ans. Un pour les plus de seize ans.
Les plus grands avaient moins de problèmes il faut dire. Pour eux, des séjours et voyages touristiques étaient organisés.
J’en rêvais, mais ne suis jamais parti.
Ils apprenaient déjà un métier, pensaient à leur avenir, avaient aussi leurs amourettes. Pour ma part, j'étais un chef craint, on me disait cinglé, braque. Cinglé, mais droit et correct dans la parole donnée.
On me surnomma d'ailleurs « Le braque », rapport à un film qui était depuis peu sur les écrans de cinéma, La guerre des boutons d'Yves Robert, où justement de nombreux enfants, pensionnaires de la maison, furent engagés pour ce film. Je fus de ceux-là.
La scène finale fut justement tournée dans un de nos dortoirs. J’avais déjà une mentalité de vieux voyou, la mentalité du mitan, comme on disait à l’époque.
Il faut reconnaître que même les grands ne sortaient pas le couteau dans les bagarres, pas à cette époque-là, pas en ce lieu.
J’étais le premier à le faire à Vitry, surtout si jeune, ce qui me valut ma réputation.
J'attirais donc la sympathie des deux autres chefs.
De plus, mes attitudes de chef me rapportaient également du respect.
En effet, dans ma bande, on ne s'attaquait pas aux plus petits, aux plus faibles, ni aux nouveaux.
Sauf si ceux-ci avaient trop tendance à la ramener en voulant jouer les durs, ceux que l'on appelait les grandes gueules.
D'ailleurs, ce problème fut aussi réglé, car très vite je me mis à organiser des combats de boxe, sur les marquises au dessus des cours de récré.
Marquises qui se trouvaient être à quelque cinq mètres de haut.
Ou bien, celui qui avait une grande gueule montait le long de la gouttière pour atteindre le haut de la marquise en béton et combattre, ou il se la fermait à jamais, passant pour une tante.
Louf bien sûr, mais tout de même, là-haut j'avais tracé un ring à la craie sur le sol, assez éloigné des bords, ne voulant pas de mort.
Je n’ai pensé que bien plus tard que malgré tout un accident aurait pu arriver, grâce à Dieu, il n'y en eut jamais aucun.
Plus tard ce fut le trafic d’alcool, de cigarettes, de revues érotiques, évidemment interdits dans l'établissement.
Un grand de l’extérieur me fournissait et je revendais le tout avec une commission pour chacun bien sûr.
Un nouveau directeur arriva plus tard. Gaételli.
Il faisait des rondes régulières en voiture, une DS grise, dans l'école pour surveiller. En vain, car nous étions plus malins que lui, malgré les corrections qui nous tombaient dessus de la part des matons, de sacrées corrections.
Il y a deux pions dont je me souviens et que je n'appellerai pas maton.
Le premier, Philippe Andrieux. Sa femme Anne-Claire, était surveillante aussi, chez les filles.
Andrieux, lui aimait les enfants, bien que son attitude fût controversée par la suite et par d'autres enfants de l'époque, je n'ai jamais eu à m'en plaindre personnellement, au contraire !
Je pense que beaucoup ont confondu avec Leroy, lequel, lui-même, avait probablement dû confondre la maison de correction avec la rue Lauriston (célèbre annexe de la Gestapo).
Philippe
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