Inaccessible Étoile
!
Le juge tranche, c’est la maison de correction, non seulement pour moi, mais aussi pour Pierrette qui en fait de belles aussi de son côté.
Bientôt papa et un oncle, Maurice, nous emmènent dans une maison de redressement, l'établissement Adolphe Chérioux, à Vitry-sur-Seine.
Papa m'y conduit à contre-coeur, mais il n'a pas vraiment le choix avec le juge et les assurances, pour les frais occasionnés par l'explosion, sur le dos.
Adolphe Chérioux
Les maisons de correction ne sont pas les pensions d’aujourd’hui.
Elles n'ont rien de comparable avec ce que l'on connaît de nos jours. Les sévices corporels étaient courants, gifles en plein visage, coups de pieds, ou assis à genoux sur une règle en fer pendant des heures. Au piquet la nuit dans la cour sous la pluie et j'en passe...
Les maisons de correction n'étaient ni plus ni moins que des prisons pour mineurs.
Le directeur de l'époque, Monsieur Mas, nous promit de nous mater ici. Regard en coin avec Pierrette, sourire. Bon courage ! lui souhaite Pierrette.
Fureur du directeur qui n'osait encore rien dire devant mon père. Du courage, il allait en avoir besoin.
Le père Mas travaillait avec son épouse, Madame Mas, prof de français.
Puis il fut progressivement remplacé dans l'établissement quelques années plus tard. Avant d'avoir réussi à nous mater.
Le parc de la maison de correction, le centre intercommunal Adolphe Chérioux, à Vitry-sur-Seine, était immense. À gauche le pavillon des garçons, avec dortoirs, réfectoire, salles de classe, etc., celui des filles étant à droite. Au fond, les ateliers de formation pour les plus grands, plus quelques bâtiments comme la chapelle, la maternelle, etc.
Au milieu, un grand terrain de verdure, le tout cerné par des murs gris, surmontés de pics en fer, sans oublier la guérite à l'entrée pour contrôler entrants et sortants.
Le cadre était, je dois bien l’avouer, agréable, vu la verdure qui me changeait de la cité des quatre mille logements.
Les surveillants, les pions, étaient, ici, surnommés les matons.
Il y avait parmi les pensionnaires, des mineurs de tous âges, la majorité étant encore à vingt et un ans à ce moment-là.
Dès mon arrivée, on me fit visiter les lieux, le dortoir, une grande salle avec une trentaine de lits apposés côte à côte. Puis à la lingerie, on me donna un numéro pour mon linge, le 168, pour lorsque j’en donnerai à laver. Enfin le réfectoire.
Un jeune, comme c'était mon cas, qui arrivait pour la première fois était accueilli froidement par les autres. C'était la tête de turc.
Non pas comme cela se fait aujourd'hui, pire.
Il était le moins que rien, celui sur lequel on se défoulait en cas d'énervement.
Il y avait toujours un rapport de force, soit être dominateur, soit dominer. On nous testait.
La première année, j'étais donc le bleu, la tête de turc.
Pierrette, plus grande, plus dure, était parfois là pour prendre ma défense, me protéger, pour autant qu'elle le pouvait, car nous étions séparés des filles, n’étant pas dans le même bâtiment.
De plus, elle subissait du côté des filles le même harcèlement. En effet, les écoles, même normales, n’étaient pas encore mixtes.
Il n’y a que le soir où j’avais relativement la paix.
Les premières nuits, je les passais à pleurer dans mon lit. Les autres me laissaient tranquille, alors, car ça, ils connaissaient.
Ils étaient tous passés par cette période où l’on ne comprend pas et où on ne peut que pleurer, se sentant seul et abandonné.
Que des visages inconnus autour de nous. Personne à qui se confier. Personne de qui attendre un peu de tendresse. Et difficile de s’isoler, étant toujours entouré d’une foule de gosses.
En même temps, cette première année me servit à observer, écouter. Voir comment les choses fonctionnaient dans ce lieu.
Ce ne fut pas long. Une année m'a suffi pour comprendre que de dominé il me fallait devenir un dominateur pour avoir la paix, tout au moins dans la conception que j’en avais. Devenir un loup au milieu des loups. Devenir même le plus dur d’entre eux. C’était une question de survie.
Au réfectoire, un midi, un garçon, un chef redouté, un ancien, voulant me prendre pour sa copine. Devant tous, il met sa main sur ma cuisse en déclarant que cette nuit je passerai dans son lit. Ni une ni deux, je prends mon couteau et lui plante dans l'épaule (j'avais dix ans).
Le maton principal ce jour-là, Leroy,
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