Interdit
un mot, la tension émanait
de lui comme la chaleur d’un feu dans une cheminée.
Lorsqu’Ambre se rapprocha de lui, ses narines se dila-
tèrent à la senteur fraîche de son parfum.
— Soyez en paix, Duncan.
Une main chaude et délicate caressa son poing. Il tres-
saillit imperceptiblement, surpris. Elle avait fait bien atten-
tion à ne pas le toucher depuis qu’il lui avait volé ce baiser
avide. Tout comme lui s’était gardé de la toucher.
Mais il devait rester méfiant. Il n’avait aucun moyen de
savoir qui avait été Ambre pour lui dans le passé ni ce
qu’elle allait représenter dans le futur. Ils pouvaient très
bien avoir été des amants séparés par des serments
contradictoires.
Pourtant, à l’instant où il ressentait sa caresse, il sut
pourquoi il ne l’avait plus touchée. Le torrent de passion et
de désir qu’elle éveillait en lui ne ressemblait en rien à ce
qu’il avait pu ressentir pour une femme auparavant.
Il comprenait cet élan de passion. Il était en présence
d’une femme dont seul le parfum suffisait à le durcir dans
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ELIZABETH LOWELL
une vive poussée de sang. Mais le désir furieux était aussi
nouveau et inattendu que sa perte de mémoire.
Il savait qu’il n’avait jamais ressenti une telle passion
pour quiconque, car chaque fois qu’il était confronté au tou-
cher d’Ambre, sa réaction et la surprise qui l’envahissait
étaient d’une intensité sans pareille. Tout comme le fait de
chercher son épée lui prouvait qu’il en avait porté une par le
passé.
— Duncan, murmura Ambre.
— Duncan, répéta-t-il de façon acerbe. Je suis un sombre
guerrier, alors ? Mais je n‘ai pas d’épée sur moi, ni de lourde
armure froide pour me protéger lorsque le danger rôde.
— Erik…
— Oui, l’interrompit-il. Erik le tout-puissant, votre pro-
tecteur. Le grand comte qui a décrété que je ne serais pas
armé pendant quinze jours, tandis que son écuyer veille
toujours aux alentours, à portée de votre cri.
— Egbert le Paresseux ? demanda Ambre. Est-il tou-
jours là ?
— Il somnole dans la remise. Cela dérange les poules
de partager leur coq.
— Regardez-moi, dit-elle en changeant de sujet. Que je
vois comment vous va le pourpoint.
Lentement, Duncan s’exécuta.
Ambre ajusta un cordon ici et là et tira sur le tissu pour
effacer un pli, avant de lui tendre la belle cape indigo qu’elle
avait ramenée du château de Stone Ring.
— Pour vous, dit-elle.
Duncan baissa la tête pour se plonger dans les yeux d’or
qui le regardaient avec tant de ferveur.
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INTERDIT
— Vous êtes bien aimable envers un homme sans nom,
sans passé et sans avenir, dit-il d’un air sombre.
— Nous en avons déjà parlé, en vain. Sauf si… Vous
souvenez-vous de quelque chose ?
— Pas comme vous l’entendez. Pas de noms. Pas de
visages. Pas de faits. Pas de serments. Pourtant je sens… je
sens que quelque chose de grandiose et de dangereux à la
fois m’attend, tout proche, à peine hors de ma portée.
La main gracile d’Ambre se posa de nouveau sur son
poing. Elle ne sentit aucun souvenir surgir de son passé.
Les images obscures qui peuplaient son esprit tournaient
et s’évanouissaient, seulement pour renaître, infimes et
moqueuses. Tout était pareil.
Notamment l’appétit sensuel qu’il avait pour elle, et qui
imprégnait tout son être aussi profondément que les ténè-
bres de sa mémoire perdue.
Savoir son ardeur provoqua une étrange chaleur en elle.
C’était comme si un feu invisible s’animait au creux de son
ventre, attendant seulement que le souffle du désir de
Duncan s’enflamme enfin et se révèle.
Elle devait retirer sa main et ne plus l’approcher. Mais
sa main ne bougea pas. Ce contact était une drogue douce
et subtile. La joie qu’il lui procurait aurait dû la terrifier et
pourtant, elle ne faisait que l’attirer de plus en plus.
— La vie est grandiose et dangereuse, dit-elle à voix
basse.
— Vraiment ? Je ne m’en souviens pas.
Les émotions à peine retenues de Duncan la transper-
çaient avec force, mélange cinglant de frustration, de colère
et d’impatience.
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ELIZABETH LOWELL
Elle dut se faire violence pour ne pas passer ses doigts
dans les cheveux de Duncan et ne pas l’enlacer jusqu’à ce
que le plaisir de sa caresse surpasse toutes ses émotions.
Pourtant, elle ne pouvait s’empêcher de le toucher, ne serait-
ce
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