Interdit
C’est naturel pour la vie,
comme pour la mort.
— Comme il est naturel que mes prophéties soient
exactes.
— Les conditions de la prophétie ne sont pas réunies,
fit-il remarquer.
— Il est venu à elle…
— Oui, oui, l’interrompit-il avec impatience. Mais son
cœur, son corps et son âme ne lui appartiennent pas !
— Je ne peux pas parler pour son corps et son âme,
rétorqua Cassandra. Mais son cœur est déjà sien.
61
ELIZABETH LOWELL
Erik regarda Ambre avec surprise.
— Est-ce vrai ?
— Je comprends les trois conditions de la prophétie
mieux que personne. Et les trois ne sont pas réunies.
— Peut-être devrais-je le vider comme un saumon,
après tout, grommela Erik.
— Cela pourrait vous nuire en même temps, dit Ambre
avec un aplomb qu’elle était loin de ressentir.
— Comment cela ?
— Vous devez aller au nord pour défendre Winterlance
contre les pilleurs scandinaves. Or, si vous ne restez pas ici,
vos cousins s’empareront de Stone Ring.
Erik se tourna vers Cassandra.
— Vous n’avez pas besoin de prophétesse pour
connaître les ambitions de vos cousins, dit-elle sèchement.
Ils étaient si persuadés que Lady Emma allait mourir sans
laisser d’héritier à Lord Robert qu’ils avaient déjà com-
mencé à se battre entre eux pour savoir qui allait régner sur
Stone Ring, Sea Home, Winterlance et sur les autres terres
de Lord Robert.
Sans un mot, Erik regarda Ambre.
— Duncan se considère comme un grand guerrier, lui
dit-elle. Il pourrait vous être très utile.
Elle l’observa. L’écoutait-il vraiment ou ne faisait-il que
l’amadouer ? Elle ne pouvait le dire sans le toucher. Au clair
de lune, ses yeux avaient la lueur voilée de ceux d’un loup.
— Continuez, dit Erik à Ambre.
— Laissez-lui le temps de guérir. Si sa mémoire ne lui
revient pas, il vous jurera allégeance.
— Alors vous pensez que c’est un homme libre, saxon
ou écossais, à la recherche d’un seigneur puissant ?
62
INTERDIT
— Ce ne serait pas le premier chevalier à vous rejoindre.
— C’est vrai, concéda-t-il.
Cassandra allait encore protester, mais Erik l’en
empêcha.
— Je vous accorde deux semaines, le temps que j’en-
quête sur le passé de l’étranger, dit-il à Ambre. Mais seule-
ment si vous répondez à une question.
Ambre retint son souffle et attendit.
— Pourquoi vous souciez-vous de ce qui arrivera à
l’homme que vous appelez Duncan ? lui demanda-t-il.
Le calme de sa voix contrastait avec l’intensité de ses
yeux.
— Quand j’ai touché Duncan…
Sa voix se brisa.
Erik attendit.
Elle serra les poings dans ses longues manches et réflé-
chit. Comment dire à Erik qu’il avait à portée de main l’un
des meilleurs guerriers nés du ventre d’une femme ?
— Duncan n’a pas de souvenirs précis, dit-elle lente-
ment. Et je serais pourtant prête à jurer qu’il est l’un des
meilleurs guerriers ayant jamais porté une épée. Guerriers
parmi lesquels vous comptez, Erik, vous que les hommes
nomment « l’Invaincu » presque aussi souvent qu’ils vous
traitent de « Sorcier ».
Cassandra et Erik se regardèrent longuement.
— Avec Duncan à vos côtés, vous pourriez défendre les
terres de Lord Robert à la fois contre les Scandinaves,
les Normands et vos cousins, continua-t-elle.
— Peut-être, répondit-il, mais j’ai bien peur que votre
grand guerrier n’appartienne à Dominic le Sabre ou au
Fléau Écossais.
63
ELIZABETH LOWELL
— C’est possible. Mais pas si la mémoire ne lui revient pas.
Alors il sera à vous.
Erik et Cassandra étudièrent en silence la suggestion
d’Ambre.
— Une petite chose si impitoyable, dit enfin Erik en la
regardant, un sourire aux lèvres. Vous auriez fait un excel-
lent faucon.
Il rit.
Mais pas Cassandra.
— Es-tu sûre que Duncan ne retrouvera pas la
mémoire ? demanda-t-elle.
— Non, répondit Ambre.
— Et s’il la retrouve ?
— Il sera alors soit un ami, soit un ennemi. S’il est un
ami, Erik aura à ses côtés un chevalier sans pareil. C’est
un risque qui vaut la peine d’être pris, non ?
— Et s’il est un ennemi ? demanda Erik.
— Au moins vous n’aurez pas sur la conscience le
meurtre lâche d’un homme frappé par la foudre.
Erik se tourna vers Cassandra.
— Madame ?
— Je n’aime pas cela.
— Pourquoi ?
— La prophétie, dit-elle sèchement.
— Que voulez-vous que je fasse ?
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