Je suis né un jour bleu
nous allâmes ensemble jusqu’à l’embarquement.
C’était un typique jour d’été, chaud et
clair, et je vis, depuis mon siège, le ciel bleu disparaître sous les nuages. Le
pilote nous annonça que le vol allait durer onze heures jusqu’à l’aéroport
international de Los Angeles. Quand on me donne une estimation de temps, je la
visualise en moi à l’aune d’un morceau de pâte sur une table que je considère
comme une heure. Par exemple, je comprends combien de temps dure une promenade
d’une demi-heure en imaginant qu’on roule le morceau de pâte jusqu’à la moitié.
Mais onze heures était pour moi une
période d’une longueur sans précédent pour moi et je n’arrivais pas à me la
représenter. Cela me rendit nerveux et je fermai fort mes paupières puis les
rouvris doucement en regardant mes pieds : j’allais mieux.
J’aime me préparer mentalement à ce qui
va arriver, répéter les différentes possibilités dans ma tête parce que je me
sens mal quand les événements surviennent de manière inattendue ou imprévisible.
Je savais qu’à un moment, un steward allait approcher pour me demander quelque
chose (ce que je voulais manger, par exemple) et je m’imaginais le steward qui
se tenait là et me parlait. Dans mon esprit, je me voyais calme et répondant
sans difficulté.
Mes mains fouillaient constamment mes
poches, cherchant pour la centième fois mon téléphone, mon passeport, mon
portefeuille. Quand j’entendis le roulement des chariots qui s’approchaient de
moi, je devins de plus en plus tendu et vigilant. Je n’aimais pas les surprises.
J’écoutai attentivement les conversations des stewards avec les autres
passagers pour savoir ce que le steward allait me dire. J’avais déjà fait mon
choix dans ma tête : poulet avec compote et boulettes. Le chariot vint et
repartit sans encombre. Et j’avais fait un bon choix.
J’étais trop anxieux pour dormir pendant
le vol. À la place, je lus des magazines et j’écoutai de la musique avec les
écouteurs en plastique qu’on nous avait donnés. Quand nous atterrîmes, je ne
pus m’empêcher de ressentir un sentiment explicite d’achèvement : j’y
étais arrivé. Ma tête me faisait mal, mes jambes et mes bras étaient courbatus,
mais j’étais en Amérique.
Dehors, le temps était clair et plus
chaud qu’à Londres. J’attendis pendant que le réalisateur s’occupait de la
location d’un véhicule. L’équipe chargea bientôt à l’arrière des boîtes pleines
d’objectifs et tout un équipement de tournage. C’était comme les regarder jouer
à Tetris Après plusieurs tentatives, ils réussirent à tout faire rentrer. Nous
allâmes ensuite à San Diego, dans un hôtel près de la mer. Quoique épuisés, on
me dit que nous devions partir tôt le lendemain matin. Dans ma chambre, je me
brossai les dents méthodiquement, lavai mon visage rituellement en m’aspergeant
(cinq fois) d’eau au-dessus du lavabo et réglai le réveil à 4 heures 30 du
matin. À peine allongé sur mon lit, je m’endormis.
Quand l’alarme du réveil hurla à la mort,
je bondis et couvris mes oreilles de mes mains. Ma tête me faisait mal et je n’avais
pas l’habitude des réveils. Je tâtonnai d’une main pour trouver le bon bouton
et rendis la pièce au silence. Dehors, il faisait toujours noir. Je me lavai
les dents pendant exactement deux minutes et pris une douche. Je n’aimais pas
que tout dans la pièce soit différent. Le pommeau de la douche était plus large,
l’eau tombait plus drue sur ma tête et la texture des serviettes était étrange.
Une fois séché, j’enfilai mes vêtements : au moins, eux, ils étaient comme
d’habitude. Considérablement agité, je sortis de ma chambre et descendis dans
la salle à manger. J’attendis que Toby arrive, une figure familière, avant de m’asseoir
et de commencer à manger. Je pris un muffin avec un peu de thé. Quand les
autres furent descendus et eurent fini de manger, nous montâmes dans la voiture
et longeâmes des rangées de grands immeubles avec des vitres scintillantes. Nous
avions rendez-vous avec le Pr Ramachandran, le très respecté neurologue, et son
équipe, au Centre d’étude du cerveau de Californie.
Les scientifiques vinrent nous accueillir
et nous conduisirent dans le bureau du professeur, à travers des corridors
étincelant dans la lumière du soleil qui ruisselait depuis les fenêtres. Nous
arrivâmes dans une grande pièce, plus sombre
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