Je suis né un jour bleu
d’interviews radio qui suivirent le succès de ma tentative de record, une
grande chaîne de télévision britannique m’offrit de participer à un
documentaire d’une heure autour de mon histoire. Le tournage aurait lieu aux
États-Unis et en Grande-Bretagne. Les producteurs avaient été impressionnés par
les images qu’ils avaient vues de moi à Oxford et en particulier par ma
capacité à gérer la présence d’un public et des médias. Ils projetaient d’aller
aux États-Unis pour filmer Kim Peek, cet homme atteint du syndrome savant qui a
inspiré le film Rain Man , et ils pensaient que ma capacité à mettre ma
propre expérience du syndrome savant en perspective permettrait au documentaire
de trouver un point de départ et de référence. Non seulement c’était l’occasion
pour moi de rencontrer Kim Peek, mais encore j’allais pouvoir discuter avec les
experts et les chercheurs les plus performants sur le syndrome savant, aux
États-Unis comme en Grande-Bretagne. Cela pouvait être la chance d’une vie.
Je donnai mon accord malgré ma grande
angoisse. Je n’avais pas quitté l’Angleterre depuis cinq ans (pendant ce temps,
je ne m’étais en effet pas vraiment éloigné de notre ville) et la perspective
de passer plusieurs semaines loin de chez moi, à
voyager et à faire un film m’effrayait. Je m’inquiétais de savoir si j’allais pouvoir
gérer les impératifs d’un voyage sans mes petits rituels quotidiens. Je n’avais
jamais été aux États-Unis (bien que je puisse réciter la date, le second prénom
et le parti de tous les présidents américains depuis McKinley) et je ne savais
pas comment j’allais trouver ce pays. Et si c’était trop grand, trop bruyant, trop
lumineux pour moi ? Et si je me sentais envahi et paniqué dans ce grand
pays à un océan de chez moi ?
La pensée d’être constamment sur le
départ, jour après jour, d’aller d’un endroit à un autre, inquiétait ma famille,
Neil et moi-même. Ils me poussaient à partir, mais ils insistaient pour que je
parle de tout cela avec la production. Au cours de la conversation que j’eus
avec l’équipe, je reçus l’assurance qu’ils ne me laisseraient pas seul dans un
espace public (où je pourrais me perdre) et que le tournage ne serait pas
intrusif mais prendrait les événements comme ils viendraient.
Le programme de la production était
ambitieux : nous devions zigzaguer d’un bout à l’autre des États-Unis
pendant deux semaines, avec des étapes aussi variées que San Diego en
Californie ou Sait Lake City dans l’Utah. La production avait proposé comme
titre provisoire Brainman [23] – une référence au film avec Dustin Hoffman – que je
n’aimai pas, tout d’abord, avant de finir par m’y faire.
Je rencontrai l’équipe pour la première
fois une semaine avant le départ, en juillet 2004. Ils se montrèrent amicaux et
voulaient que je me sente à l’aise. Le cameraman, Toby, avait le même âge que
moi. Tout le monde était enthousiaste – pour l’équipe, c’était une
émission très atypique et ils ne savaient pas à quoi s’attendre. J’étais excité
aussi, en partie parce que tout le monde l’était, et que j’éprouvais beaucoup d’émotions
en réaction à ceux qui m’entouraient. Mais je me sentais également heureux, intérieurement.
Une nouvelle aventure commençait.
Je finis de faire mes valises la veille
du départ : un manteau, deux paires de chaussures, quatre pulls, six
pantalons ou shorts, huit T-shirts, onze paires de chaussettes et de
sous-vêtements, un tube neuf de dentifrice, une brosse à dents électrique, une
crème, des huiles essentielles, un gel douche et un shampoing. Neil m’avait
trouvé un téléphone portable afin que nous restions en contact. Son travail l’empêchait
de m’accompagner. Je gardais le téléphone dans ma poche droite ; mon passeport,
mon billet et mon portefeuille dans l’autre.
Neil me conduisit à l’aéroport et me
serra dans ses bras avant que j’entre dans le terminal. C’était la première
fois en trois ans et demi que nous étions séparés. Pourtant, je ne réalisais
pas que je devais montrer de l’émotion et ses embrassades me firent sursauter. Dans
le terminal, il y avait beaucoup de monde et beaucoup de bagages. Tous ces gens
bougeaient autour de moi et je commençai à me sentir anxieux. Je me mis à
compter les personnes dans les files d’attente pour me calmer. L’équipe était
déjà là et
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