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Jean sans peur

Jean sans peur

Titel: Jean sans peur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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atteignit la place de Grève.
    Là, le spectacle changeait. Là, plus serrée, plus menaçante, une foule énorme attendait. Tous les regards convergeaient vers le centre de la place. Et Tanneguy, ayant lui aussi regardé de ce côté, vit qu’un échafaud tendu de noir se dressait entre le pilori et le gibet. Sur l’échafaud allaient et venaient l’exécuteur et ses aides.
    Mais, en cet exécuteur, Tanneguy ne reconnut pas la silhouette farouche et colossale de maître Capeluche. Ce bourreau était maigre, mince, et se démenait fort en criant ses instructions aux aides qui achevaient de clouer la tenture.
    À vingt pas en arrière de l’échafaud, dans la direction de la Seine, se dressait un bûcher.
    – Que diable signifie tout cela ? gronda Tanneguy.
    Un bourgeois qui se trouvait près de lui entendit la question et saisit la balle au bond ; la langue lui démangeait justement ; il était de l’immortelle race de gens qui veulent, coûte que coûte, expliquer au voisin le spectacle auquel ils assistent ensemble.
    Ce bourgeois, donc, déposa sur le sol la pique qu’il tenait sur son épaule, s’appuya au manche, se donna un coup de poing sur la cuirasse, toussa, et dit :
    – Comment ! Vous ne savez pas ce que cela signifie ? Au fait, vous arrivez peut-être ?
    – Justement… et de loin.
    – Bon. Laissez-moi d’abord vous donner un bon conseil, mon digne gentilhomme.
    – Voyons le conseil.
    – Eh bien, hâtez-vous de placer sur votre manteau une croix rouge de Saint-André, sans quoi, et bien que vous ayez une honnête figure, on pourrait croire… vous comprenez ?…
    – Non, mort du diable ! Mais vous allez m’expliquer…
    – Oui. Eh bien, cela pourrait donner à penser que vous êtes pour Armagnac.
    – Ces chiens d’Armagnac ! dit Tanneguy goguenard.
    – Ah ! je vois que vous êtes un bon ! Vive Bourgogne, n’est-ce pas ?
    – Diable ! Je le crois bien ! D’autant que j’ai moi-même mille obligations à Jean de Bourgogne. Mais j’espère bien lui payer ma dette un jour ou l’autre.
    – Aujourd’hui vous en aurez peut-être occasion. Mais pour en revenir à cet échafaud que vous voyez, on va d’abord, sur le coup de midi, trancher le poignet droit du condamné et lui couper la langue comme à un sacrilège.
    – Oh ! oh ! fit Tanneguy, je ne voudrais pas être à sa place.
    – Ni moi, dit le bourgeois en éclatant de rire. Ensuite, vous voyez bien, en arrière de l’échafaud, la confrérie des pénitents blancs ?
    – Oui, je vois en effet quelques cagoules.
    – Voyez-vous que quelques-uns de ces dignes pénitents tiennent une torche ?
    – Oui, je vois la fumée des torches.
    – Eh bien ! c’est pour allumer le bûcher. Dès qu’on aura arraché la langue du condamné, il sera attaché au bûcher et les pénitents blancs l’allumeront.
    – Bon ! dit Tanneguy. Et comme le pauvre diable n’aura plus de langue, il ne pourra pas crier ni demander à boire s’il a trop chaud dans son brasier.
    Le bourgeois, cette fois, fut pris d’un terrible accès de rire.
    – À la bonne heure, finit-il par dire, vous avez le mot pour rire avec le bourgeois, vous !… Vous n’êtes pas de ces Armagnacs qui nous toisent et se croiraient déshonorés s’ils nous adressaient la parole ! Quant au brasier, vous vous trompez, mon gentilhomme. Ce ne sera pas un feu à brasier, vu que le condamné doit être brûlé à petit feu ; c’est dans la sentence qui a été criée.
    – À petit feu ! frissonna Tanneguy. Le pauvre diable !
    – Oui. Mais avouez que c’est un fier sacripant ! Et puis, ajouta le bourgeois à demi-voix, c’était, paraît-il, un ennemi de monseigneur de Bourgogne !
    – Ah ! Et comment l’appelez-vous ?
    – Qui ? Le condamné ?…
    – Sans doute ! Je ne sais rien, puisque j’arrive…
    – Ah ! oui, c’est vrai. Eh bien ! le condamné, c’est le sire de Passavant.
    Tanneguy du Chatel gronda un sourd juron d’une voix qui avait les accents d’une plainte furieuse.
    – Oh ! le bourgeois, voilà que vous ne riez plus. Et vous êtes blanc comme un mort… Qu’avez-vous donc, mon gentilhomme ?
    – Rien, dit Tanneguy, cela va se passer.
    – C’est comme ma femme. Ça la prend tout à coup, si bien qu’on croit qu’elle va mourir ; mais il n’y a pas de danger, ajouta le bourgeois avec un soupir, elle a vite fait de se remettre.
    Le capitaine demeurait pétrifié, laissant le bourgeois

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