Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Jean sans peur

Jean sans peur

Titel: Jean sans peur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
Vom Netzwerk:
vit l’échafaud et frissonna. Le regret de la vie étreignit son cœur. Dans cette minute, il calcula si, par un moyen quelconque, il pourrait non, s’échapper, ce qui était impossible, mais provoquer une bagarre au cours de laquelle il se ferait tuer pour éviter le supplice. Mais bientôt il se rendit compte que cela même était impossible.
    – Eh bien ! se dit-il, tâchons, jusqu’au bout, d’être le fils de Passavant le Brave.
    Il n’avait pas peur de mourir. Mais l’idée de cette longue torture du bûcher à petit feu où il agoniserait lentement, mutilé déjà, la langue arrachée, le poignet coupé, faisait monter son cœur à la gorge, et il se demandait comment il allait supporter la chose.
    Les abords de l’échafaud furent violemment dégagés par les archers de service sur la place, et il y eut dans la foule des grondements de colère. Passavant monta rapidement les marches qui conduisaient à la plate-forme. Il entrevit alors l’exécuteur qui lui tournait le dos et se baissait pour s’assurer une dernière fois que le tranchant de la hache était en bon état. Le condamné haussa les épaules. En une vague et rapide vision, les aides gesticulèrent dans le champ de sa vue. Puis son regard se porta sur l’immense foule, océan immobile maintenant, d’où montait le grand souffle de l’angoisse. Il crut entendre que les femmes plaignaient sa jeunesse. Il crut voir des visages sympathiques. Et il se raidit :
    – Courage, par Dieu ! Il faut ici mourir en vrai Passavant. Mourir, ce n’est rien, mais souffrir… diable ! Aurais-je la force de ne pas crier ?… Allons, adieu, Odette… Roselys !
    Et comme cette image évoquée menaçait de l’attendrir, à pleine voix, comme à la bataille, il cria :
    – Hardi ! Hardi ! Passavant le Hardi !
    – Me voici ! hurla une voix éclatante.
    Et Passavant, au pied de l’échafaud, vit l’éclair d’une large épée qui se levait et s’abattait d’un formidable coup de revers, couchant deux archers ; dans la même seconde, il y eut le bondissement d’un homme qui se ruait sur l’escalier en vociférant : « Me voici ! Hardi ! Hardi !… »
    – Tanneguy ! rugit le chevalier.
    – Prends ceci ! gronda le capitaine.
    Passavant saisit la dague que lui tendait Tanneguy du Chatel qui, livide, désordonné, furieux, tandis qu’un silence de mort pesait sur la foule pétrifiée de stupeur, hurlait :
    – Hardi ! Venez-y, maintenant ! Nous sommes deux !
    – Et celui-ci est avec vous ! fit une voix calme, sinistre, rocailleuse.
    Et Passavant, les yeux hagards, l’esprit exorbité par les effrayantes secousses émotives de cet instant, vit le bourreau se placer près de lui, sa hache à la main.
    Le bourreau !… C’était le chef des Écorcheurs. C’était Polifer. En un clin d’œil, il se débarrassa du surcot rouge et apparut vêtu de buffle. En ce même laps de temps, ses aides se rangèrent derrière lui, la dague au poing, et une trentaine d’êtres déguenillés, sauvages, figures de cauchemar, montant l’escalier, envahirent la plate-forme.
    Il y eut dans la foule une terrible clameur :
    – Les Écorcheurs ! Les Écorcheurs !…
    Polifer leva sa hache, et, d’un cri puissant, répondit :
    – Les Écorcheurs !
    – En avant ! vociféra Tanneguy du Chatel.
    – Hardi ! hurla le chevalier. Hardi ! Passavant le Hardi !
    La bande tout entière se mit à descendre le large escalier, dévala comme un troupeau de sangliers, hérissé d’acier, monstrueuse bête pelotonnée, rugissante, qui fonça droit devant elle.
    Passavant était en tête. Près de lui Tanneguy. Un peu en arrière, Polifer, d’une voix brève, criait des ordres à ses Écorcheurs et les rangeait en ordre de bataille. Sur la place le tumulte se déchaînait, comme si cet océan humain, une minute figé, se fût soulevé en vagues frénétiques. Au pied de l’échafaud, la bataille éperdue commençait…
    À ce moment, le sourd mugissement d’une voix de bronze couvrit les vastes rumeurs…
    À cet appel, qui avait on ne sait quoi de tragique et de désespéré, il y eut un bref silence, puis la clameur de la bataille rebondit en cris qui se répercutèrent sur toute la place, et de là, s’épandirent de rue en rue dans Paris convulsif : « Le signal ! Le signal ! »
    C’était le signal de Jean sans Peur !
    C’était la voix du gros bourdon de Notre-Dame. Deux fois, trois fois, elle jeta lentement son

Weitere Kostenlose Bücher