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Jean sans peur

Jean sans peur

Titel: Jean sans peur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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regardèrent silencieusement : il leur en coûtait de renoncer à combattre les Bourguignons, mais leur devoir était de sauver la veuve de celui qui avait été le chef de leur parti.
    – La dame d’Orléans, reprit le comte, a voulu venir à Paris pour demander justice contre le vrai meurtrier de son noble époux. Notre honneur était de l’escorter et de la seconder. Aujourd’hui, seigneurs, le meurtrier triomphe… Tous, nous avons quelque obligation à M me  Valentine, outre que notre devoir de gentilshommes est de ne pas livrer une dame à ses ennemis. Messieurs, dans deux heures, plus tôt, peut-être, le nouveau roi cherchera à s’emparer de la malheureuse veuve. Quand nous aurons tous succombé autour d’elle, il ne lui restera plus à elle-même qu’à se tuer pour ne pas tomber aux mains de l’assassin de son mari. Mon avis est donc de renoncer dans Paris à une lutte dont l’issue ne peut être douteuse, de sauver coûte que coûte la dame d’Orléans, chef nominal, oriflamme et bannière de la seigneurie française, et de rassembler dans les plaines de Île de France assez de seigneurs dignes de ce nom pour assiéger l’homme qui doit son trône au meurtre, au mensonge, à la forfaiture. Dieu aidant, nous prendrons Paris, et nous remettrons sur le trône le fils de la race des Valois. J’ai dit. Que ceux qui tiennent pour un autre avis l’expliquent.
    – Je me range à l’avis du noble comte d’Armagnac, dit le duc de Bar.
    Aussitôt, tous les seigneurs présents crièrent qu’il n’y avait pas d’autre avis possible.
    – Et puis, ajouta le comte de Namur avec un rire terrible, après tout, ce sera encore de la bataille. Par le Christ, j’espère bien que nous ne sortirons pas de Paris sans coup férir !
    – Bataille ! Bataille ! cria tout d’une voix cette assemblée de braves.
    C’étaient des braves. Surpris par l’explosion soudaine du complot, leur retraite hors de Paris ne peut nullement être assimilée à une fuite.
    C’étaient de rudes seigneurs, impitoyables souvent pour le bourgeois et le manant, orgueilleux toujours ; ils avaient fait germer autour d’eux de vastes haines ; ils étaient la féodalité jalouse de ses droits, dure dans l’exercice de ses privilèges, féroces dans la répression – mais pas plus que quiconque détient le pouvoir : et c’étaient des braves. À grand fracas, ils descendirent dans la grande cour d’honneur de l’hôtel d’Armagnac. Ce fut, pendant quelques minutes, le long du large escalier de pierre, comme un énorme serpent à écailles d’acier qui se déroule.
    Dans la cour, les chevaux caparaçonnés attendaient. Chaque cavalier montait sur des bancs de pierre pour se hisser en selle. Alors, ils couvrirent leurs têtes de leurs casques, dont ils rabattirent les visières. Les valets d’armes placèrent dans leurs mains recouvertes du gantelet d’acier un estramaçon de bataille.
    Les Armagnacs se rangèrent par quatre sur quinze rangs de profondeur. Mais derrière chaque rang, c’est-à-dire derrière chaque seigneur, prit place un valet d’armes à cheval portant la lance et la masse. Et derrière chaque valet d’armes prit place un autre valet non combattant, porteur d’armes de rechange, et dont le rôle était d’aider le maître désarçonné à se relever, de le panser sommairement s’il était blessé. En sorte que ces quinze rangs de seigneurs en bataille formaient en réalité quarante-cinq rangs de quatre hommes.
    Les bannières furent déployées, et, en tête, l’oriflamme d’Armagnac.
    Par-dessus la cuirasse, tous les seigneurs portaient l’écharpe blanche, insigne de leur ralliement dans la mêlée.
    Ainsi rangés, ils formaient une de ces formidables figurations guerrières dont nos déploiements de force modernes ne peuvent nous donner aucune idée. Dans la rue, on entendait les clameurs des bandes qui passaient :
    – Bourgogne ! Bourgogne ! – Vive Bourgogne sauveur du peuple ! – Mort à Armagnac !…
    Et parfois, un grondement terrible où éclatait le mot de tonnerre qui, de siècle en siècle, fait peur aux conducteurs de bétail humain :
    – Liberté ! Liberté !…
    Au-dessus de ces clameurs, dans les airs, s’enchevêtraient les appels éperdus des tocsins de toutes les églises. Et par-dessus même ces rumeurs de cloches, les graves, lents et terribles mugissements du gros bourdon de Notre-Dame épandaient de vastes ondulations d’épouvante et de

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