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Jean sans peur

Jean sans peur

Titel: Jean sans peur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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puis il reprit :
    – Nos gestes d’exorcisme eurent donc le plus heureux effet sur Sa Majesté. Ce matin, frère Lancelot et moi, nous dîmes chacun notre messe. Nous implorâmes le Très Haut. Puis, étant encore à jeun, nous gratifiâmes le roi de quelques nouveaux gestes {2} . Enfin, le frère Lancelot tira de sa cassette le précieux flacon, en versa le contenu dans une coupe d’or, et je dis au roi : « Sire, cette liqueur vient de Rome. » Lancelot ajouta : « Et peut-être même de Jérusalem. « Croix-Dieu, nous répondit dévotement le roi, en ce cas, elle a fort voyagé et vient de lieux saints que je voudrais bien voir. » « Sire, dit frère Lancelot, il faut la boire et vous serez guéri. » « Est-ce du bon vin ? Voilà ce que nous dit le roi, car il aime le mot pour rire. Nous nous mîmes à rire avec lui de bon cœur et le roi saisit la coupe pour boire.
    – Ah ! ah ! fit Jean Sans Peur, sombre, haletant, la sueur au front.
    Ici, les deux ermites multiplièrent les signes de croix et commencèrent une série de prières en se donnant la réplique. Leur profonde sincérité était évidente. Leurs esprits transposés dans l’état d’extase presque continuelle ne saisissaient que peu de choses des réalités de la vie.
    – Le roi allait boire lorsque tout à coup entra la diablesse…
    – La diablesse ? dit Jean Sans Peur qui tressaillit.
    – L’envoyée de Belzébuth venue tout exprès pour empêcher la guérison du roi !
    – Mais qui ? hurla le duc de Bourgogne…
    – La demoiselle de Champdivers ! dit Lancelot en se signant avec précipitation.
    – Malédiction ! murmura sourdement Jean Sans Peur.
    L’amour et la rage se livrèrent une rude bataille dans son cœur. Il la maudissait, et, si elle avait été là, il fût tombé à ses pieds.
    – Elle entra, continua Tosant, courut jusqu’au roi, lui arracha la coupe et la vida dans les cendres du foyer. Le roi la regarda faire sans un mot de révolte. Elle l’eût tué qu’il n’eût pas bougé. Il souriait, Monseigneur, il n’y a qu’un moyen d’exorciser notre sire, c’est de la délivrer de ce démon… de…
    – Assez ! gronda Jean de Bourgogne. Pas un mot sur elle, si vous tenez à la vie !
    Tosant et Lancelot se regardèrent, effarés. Ils se disaient : « Monseigneur de Bourgogne aurait bien besoin d’être exorcisé, lui aussi. La diablesse les tient tous. »
    – Continuez, reprit Jean Sans Peur en se calmant.
    – Eh bien, pour finir, la demoiselle ayant vidé la coupe dans les cendres, comme je le disais, s’en vint vers nous, et, à voix basse, nous dit : – Ce que vous vouliez faire est horrible. – Comment ? s’écria le frère Lancelot. – Taisez-vous ! dit-elle. Remerciez Dieu que je ne veuille pas avoir votre mort sur la conscience, et que je ne dénonce pas votre forfait. Je vais vous faire chasser. Allez disparaissez, et ne revenez plus jamais… » Alors, monseigneur, comme nous demeurions muets, frappés de stupeur et d’horreur, elle revint au roi et lui dit : « Sire, je vous prie de faire sortir tout de suite ces deux hommes de l’Hôtel Saint-Pol. » Et le roi, qui a donné son âme à cette dia… à cette demoiselle, dis-je, le roi lui dit : « Puisque vous le désirez, qu’il en soit ainsi ! » Tout aussitôt, il appela à grands cris son capitaine, lequel, comme je vous le disais, nous fit saisir par ses gens d’armes. C’est ainsi, monseigneur, que nous avons été expulsés de l’Hôtel Saint-Pol, où nous étions venus sur votre ordre pour exorciser, sauver, guérir notre sire le roi.
    Ayant achevé cette péroraison d’une voix rapide et nasillarde, l’ermite ramena son capuchon sur son visage et se croisa les bras. Lancelot l’imita.
    Jean Sans Peur songeait. Maintenant, c’était d’un pas lent et fatigué qu’il parcourait la grande salle des armes. Il songeait. Et dans sa tête retentissait avec fracas le nom d’Odette. Il murmurait :
    – Me voici donc encore arrêté par la fatalité. Tout était prêt. Je n’avais qu’à donner le signal à Caboche. La ville se soulevait. Et, tandis que la meute immense se déchaînait sur les Armagnacs, moi, je marchais sur l’Hôtel Saint-Pol… où il n’y avait plus de roi… Il faut reculer encore.
    Il s’arrêta, tout pâle, le menton dans une de ses mains, les yeux fermés.
    – Et qui sait, poursuivit-il, qui sait si demain, ce soir, on ne découvrira pas que l’assassin

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