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Jean sans peur

Jean sans peur

Titel: Jean sans peur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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déployer toute son ingéniosité de mensonge.
    – Monseigneur, dit-il, pour vous mettre à même d’apprécier, je dois reprendre les choses au début.
    – Ah ! fit Jean sans Peur, tâche d’être plus bref que les ermites !
    – Les ermites ? fit Bruscaille interloqué.
    – Eh, oui ! s’écria le capitaine avec un gros rire, les ermites ! Et vous aussi, n’êtes-vous pas des ermites ?
    Jean sans Peur tressaillit. Il eut pour les trois compères un étrange regard qui contenait une idée.
    – Des ermites, murmura-t-il. Pourquoi pas ?… Allons, raconte, Bruscaille, et sois bref.
    – Eh bien, monseigneur, c’est difficile à croire, c’est terrible à dire, mais l’homme à qui nous avons eu affaire est mort ou vivant à son gré. Voilà où gît toute la diablerie qui nous a attiré votre magnanime colère.
    Jean sans Peur pâlit un peu. Le capitaine se signa et dit :
    – Le fait est que j’ai vu mort dans son sac le sire de Passavant, bien mort, je le jure !
    – Brancaillon l’avait assommé d’un seul coup de poing, affirma Bruscaille en levant la main.
    – Après ? dit Jean sans Peur.
    – Après, nous portâmes donc le sac au bord de l’eau, selon les ordres. Une pierre au cou, une pierre aux pieds, nous le mîmes dans la barque. C’est ici, monseigneur, que commence notre mensonge. Nous n’avons pas jeté le cadavre dans l’eau. Mais nous avons une excuse : au moment où Bragaille et Brancaillon se baissaient pour le saisir et le précipiter, le cadavre se mit debout, oui, monseigneur, debout dans son sac, et je vous jure que j’aimerais mieux regarder en face la potence où je vais être accroché que de revoir ce sac debout, silencieux, fantôme qui nous glaçait d’horreur…
    – Vous avez eu peur, dites-le ! ricana le capitaine, très peu rassuré, d’ailleurs.
    – Peur ? Oui, par la Croix-Dieu ! Et vous-même, capitaine, tout brave que vous êtes, vous eussiez tremblé en voyant ce sac se déchirer de haut en bas… Le mort vivait, monseigneur, et je ne sais ce que vous auriez fait à notre place, mais nous, sans songer, nous piquâmes dans le fleuve. Quand nous fûmes au bord, nous regardâmes vers le milieu de la Seine : bah ! cadavre, sac, barque, tout avait disparu. C’est pour cela que nous avons été mis au cachot.
    Le capitaine ne ricanait plus. Le duc était sombre. Sûr d’avoir produit son effet, Bruscaille reprit :
    – Au cachot, monseigneur ne l’ignore pas peut-être, nous sommes tombés dans un profond sommeil. Quand nos yeux se sont ouverts, nous étions chez le sorcier du diable.
    Les trois se mirent à trembler, et Brancaillon hurla :
    – Nous sommes vivants !
    – Sur la table, dit Bruscaille en grelottant, sur la table de mort, nous avons vu le mort. Et nous, monseigneur, nous étions des enfants enchaînés. Que voulait faire le démon ? Je l’ignore. Mais lorsqu’il a voulu faire la chose…
    – La chose ? gronda Jean sans Peur tout pâle.
    – Je ne sais laquelle ! Mais lorsqu’il a voulu la faire, le mort était vivant… Le chevalier de Passavant nous a délivrés. Voilà, monseigneur. Depuis, nous mourons de faim…
    – Et de soif, dit Brancaillon.
    – Tuez-nous, monseigneur. Nous aimons mieux cela que d’errer comme des loups. Vous le disiez : nous sommes trois bons vivants, et…
    – Vous êtes, dit Jean sans Peur en se levant, vous êtes trois fieffés imposteurs. Qu’on les conduise aux fourches de l’arrière-cour !
    En même temps, le duc dit quelques mots à l’oreille du capitaine qui disparut. Bruscaille, Bragaille et Brancaillon se regardaient piteusement. La fin de leur noble carrière était proche. Ce n’était pas sans regret, nous devons le dire, qu’ils s’apprêtaient à quitter cette vallée de douleurs où pourtant ils avaient trouvé quelques bons moments. Bruscaille pleurait, Bragaille soupirait. Brancaillon s’était mis à chanter à tue-tête, et, comme le duc s’éloignait, il remplit la coupe d’or et la vida d’un trait.
    – Voilà du fameux, dit-il en suçant le bout de ses moustaches. Je consens à être pendu tous les matins si on veut m’en donner autant, et du pareil.
    À ce moment, les gardes faisaient irruption dans la salle. Les trois pauvres diables furent entourés, poussés au dehors, conduits avec force horions jusqu’à l’arrière-cour où ils virent trois nœuds coulants accrochés aux fourches, et l’exécuteur du duc de Bourgogne qui, en

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