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Jean sans peur

Jean sans peur

Titel: Jean sans peur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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pas de force à lutter.
    Ils se levèrent donc, soupirant, reniflant, louchant et le dos voûté, la tête dans les épaules, se traînèrent vers cette porte extérieure que l’hôte leur désignait, qu’il leur ouvrit gracieusement, et qu’ils franchirent les larmes aux yeux.
    – Très bien ! dit l’hôte en refermant la porte de son cabaret à cause du grand froid.
    Bruscaille, Bragaille et Brancaillon s’enfuirent. Cet horrible « très bien » leur entrait dans les oreilles avec la méchanceté d’une vrille perforante.
    Ils marchaient l’un derrière l’autre, lentement, par les rues désertes où de rares passants se montraient de loin en loin, tout courants et soufflant dans leurs doigts.
    Brusquement, la neige se mit à tomber. Elle descendait en lourds flocons qui ne tourbillonnaient pas, mais s’affaissaient tout droit, lentement, comme une nuée de papillons blessés à mort. Cela tombait silencieusement, dans le silence des rues. En peu de minutes, Paris prit un étrange aspect de nécropole…
    Où allaient-ils, les pauvres bougres, tandis que dans leurs maisons closes, les bourgeois se chauffaient, le dos au feu, le ventre à table, comme il est dit dans la chanson ? Où ils allaient, ils ne le savaient guère ! Bruscaille reniflait, pourtant, le nez tendu vers on ne savait quoi. Peut-être avait-il une idée arrêtée, ou peut-être tout simplement le hasard le conduisit-il.
    Toujours est-il qu’après d’interminables marches et contremarches dans la neige toute blanche, toute immaculée, Bruscaille, soudain s’arrêta.
    – Où diable sommes-nous ? fit Bruscaille d’un air innocent.
    Les deux autres regardèrent, levèrent les yeux et reculèrent en frissonnant.
    – L’hôtel de Bourgogne ! murmura Bragaille.
    – Tiens ! C’est pourtant vrai, dit Bruscaille. Si nous y entrions ?
    Ils se regardèrent. Ils étaient livides. Et cette fois la peur était peut-être dans leurs âmes. Longtemps, ils demeurèrent ainsi, en arrêt devant la grand’porte de la forteresse, immobiles, silencieux, grelottant sous la neige implacable qui tombait plus serrée, plus épaisse, plus morne… Une heure se passa peut-être, et alors Bruscaille reprit avec le calme du désespoir :
    – Ce soir, nous serons morts de froid. Autant en finir tout de suite.
    – Eh bien ! dit Bragaille farouche, entrons et faisons-nous pendre.
    Brancaillon bâilla. C’était un cri de détresse. Bruscaille songeait.
    – Peut-être, murmura-t-il. Qui sait ?… Oui, peut-être !… Écoutez, nous allons entrer. Nous verrons monseigneur. Une fois là, pas un mot, tous deux, pas un geste. Laissez-moi faire. Laissez-moi parler. Et alors… peut-être !
    Brusquement, il ajouta :
    – Ou pendu, ou sauvé. Entrons !
    La grand’porte était fermée, bien que le pont-levis fût baissé. Brancaillon s’apprêtait à donner de la voix, lorsque deux nouveaux personnages entrèrent en scène. C’étaient deux moines qui, arrivant à grandes enjambées, tout couverts de neige, pareils à deux vivantes effigies de l’immortel Bonhomme Noël, se présentèrent devant l’hôtel et appelèrent à grands cris. La porte s’ouvrit. Les révérends pénétrèrent dans la cour avancée. Bruscaille, Bragaille et Brancaillon s’y glissèrent à leur suite, et se trouvèrent nez à nez avec le capitaine des gardes.
    Ce digne soldat prit d’abord une physionomie des plus stupéfaites, tandis que les trois compères se confondaient en saluts ; puis cette stupeur fit place à l’indignation ; le capitaine fronça les sourcils et gronda :
    – Comment, drôles, vous n’êtes pas morts et vous avez l’audace de vous présenter ici ?
    – Mais, fit Bruscaille, puisque monseigneur a déclaré que nous sommes les trois vivants !
    – Oui. Mais vous deviez être morts, sacripants !
    – Étant les trois vivants, il est juste que nous venions nous mettre au service de monseigneur.
    – Oui. Mais vous deviez être morts, comment se fait-il ?… Tout ceci n’est pas clair, ajouta le capitaine en jetant un regard soupçonneux sur nos trois pauvres bougres, comme s’il eût voulu s’assurer qu’ils étaient en chair et os. Arrivez, Monseigneur débrouillera la chose. Moi, je n’y comprends rien.
    – C’est comme moi, dit Brancaillon.
    Ils suivirent le capitaine qui fit un signe à une douzaine de gardes. Aussitôt, nos gaillards se trouvèrent encadrés de hallebardes, cadre d’un bel effet décoratif,

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