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Jean sans peur

Jean sans peur

Titel: Jean sans peur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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du duc d’Orléans, c’est moi !… Et alors…
    Il frémissait d’épouvante. Il est certain que, malgré sa puissance et son audace, la découverte qu’il redoutait lui eût été, à ce moment, fatale. Sans aucun doute, il eût été arrêté, livré au bourreau…
    – Odette ! Odette ! cria-t-il en lui-même. Ce n’est donc plus seulement mon amour qui veut que je te prenne dans mes serres et t’emporte dans le vol de ma passion ! Odette, tu es donc, toi aussi, un obstacle sur la route du trône ! Odette, c’est donc aussi mon rêve d’ambition qui… Eh bien ! par le ciel !… Messire, dit-il en revenant sur les ermites, acceptez jusqu’à demain l’hospitalité dans mon hôtel, puis vous reprendrez la route de votre ermitage.
    Les deux personnages s’inclinèrent.
    Jean Sans Peur appela. Le gouverneur de l’hôtel et le capitaine des gardes entrèrent ensemble.
    – Qu’on donne à ces deux révérends les meilleurs appartements, ordonna le duc ; qu’on les traite honorablement, qu’on leur fasse bonne cuisine surtout, car ils ont jeûné à notre service. Allez, messires, et puisse l’hospitalité de l’hôtel de Bourgogne vous faire oublier celle de l’Hôtel Saint-Pol !
    Les deux moines suivirent le gouverneur. Alors le capitaine des gardes s’avança sur le duc, et d’une voix narquoise :
    – Monseigneur, dit-il, il y a là, dans l’antichambre, trois autres ermites qui veulent vous voir.
    – Trois ermites ? fit Jean Sans Peur étonné.

IX – L’ERMITAGE DE BRUSCAILLE ET C ie
    Le duc de Bourgogne ayant donné l’ordre d’introduire ces saints personnages, le brave capitaine, de plus en plus goguenard, s’en fut les chercher et les poussa devant lui à grandes bourrades. Ils entrèrent par rang de taille, tâchant de prendre la même allure dégagée, conquérante que jadis, au temps de leur splendeur. Mais ils étaient si blêmes, si minables, si dépenaillés que le duc, d’abord, ne les reconnut pas. Puis, fronçant les sourcils, il gronda en fixant tour à tour chacun des trois ermites :
    – Bruscaille !…
    – Oui, monseigneur, et ce n’est pas ma faute si je ne suis pas mort !
    – Bragaille !…
    – Ressuscité bien malgré moi, monseigneur !
    – Brancaillon !…
    – J’avais soif, monseigneur, alors…
    – Comment se fait-il que vous ne soyez pas morts ?
    Brancaillon avança le pied et, avec sa majestueuse tranquillité, répondit :
    – C’est que monseigneur nous a affirmé que nous étions les trois vivants. Alors…
    Bragaille lui bourra les côtes : il était convenu que Bruscaille seul parlerait. Brancaillon rentra dans le rang. Le duc, l’un après l’autre, les saisit entre le pouce et l’index, d’un air très dégoûté.
    – Capitaine, dit-il, regardez-moi ces mauvais garçons. D’où sortent-ils ? En quels bouges ont-ils été se rouler ? Sont-ils assez ignobles ? Et ils ont l’audace de se présenter ainsi à l’hôtel de Bourgogne !
    Ils jubilaient tous trois. Ils s’attendaient à une plus terrible réception. Ils devinaient dans les injures que leur octroyait leur maître une joie secrète mais réelle. Faut-il le dire ? Oui, sans doute, car les personnages tout d’une pièce en beauté ou en laideur sont du domaine du rêve. Jean sans Peur eut une minute bienfaisante. Sa joie de revoir ces trois animaux domestiques fut exempte de tout calcul. Morts, il n’eût plus pensé à eux. Les retrouvant vivants, il s’avisa qu’il les avait regrettés et que leurs faces patibulaires, leurs gestes de matamores, leurs attitudes exagérément dévouées avaient manqué à sa vie ordinaire pendant ces quelques jours. Quand il les eut suffisamment injuriés, tournés, retournés, bourrés de coups, quand il se furent remis en ligne, la main à la garde absente d’une épée imaginaire, il s’assit comme un juge dans un grand fauteuil, allongea les jambes et se versa dans sa vaste coupe d’or une rasade d’hypocras sur laquelle les trois compères louchèrent fortement. Puis il dit :
    – Racontez-moi comment vous vous êtes évadés du cachot de l’hôtel de Bourgogne.
    – En dormant, monseigneur !
    Ce fut au tour de Jean sans Peur d’être étonné : le mot lui parut tellement ironique. Pourtant, Brancaillon l’avait prononcé dans la sincérité de son âme.
    – C’est bon ! dit brusquement le duc. Dites-moi ce qui vous est arrivé. Ne mentez pas.
    Le moment était venu pour Bruscaille de

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