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Jean sans peur

Jean sans peur

Titel: Jean sans peur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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mit à remplir les gobelets d’étain : tout en versant, il se reprit à soupirer et donna à sa mobile physionomie une mimique des plus inquiètes.
    – Voyons, dit le chevalier, qu’y a-t-il encore ? Faut-il saisir l’oreille gauche ? Parle sans crainte.
    – Monsieur le chevalier est trop généreux, dit finement Le Poingre, sans qu’on pût démêler si cette générosité qu’il vantait s’appliquait à la liberté de parler ou à la menace faite aux oreilles. Je parlerai donc. Certes, de savoir si j’hébergeais ou non le meurtrier que cherche le prévôt, ce m’était une inquiétude. Mais j’avoue que j’ai au fond du cœur une autre inquiétude autrement lancinante…
    – Laquelle ? fit curieusement du Chatel.
    Passavant haussa les épaules.
    – Voilà, dit-il. Maître Thibaud veut savoir comment il m’a trouvé dormant sur le lit de cette chambre qu’il croyait vide depuis plusieurs jours.
    – Ventre-joie, monseigneur ! Vous êtes donc sorcier ?
    – Non, mais j’en ai fréquenté un, et cela me fait même songer… mais revenons à vous, notre hôte. Qu’y a-t-il donc d’inquiétant en tout ceci ?
    – Eh bien ! fit Thibaud, je ne sais pas comment vous êtes entré, voilà ! Si on entre dans mon auberge aussi facilement sans que je le sache, je ne vais plus dormir tranquille. Les portes ferment bien, pourtant.
    – Mais, dit froidement le chevalier, je ne suis pas rentré par la porte.
    – Et par où ? fit Thibaud ébahi.
    – Par où je suis sorti, donc : par la fenêtre. Que voulez-vous ? C’est une habitude chez moi. J’entre, je sors par les fenêtres. C’est plus commode et moins ennuyeux que par la porte.
    On ne sait si cette explication put satisfaire l’aubergiste de la « Truie-Pendue ». Il parut toutefois s’en contenter, et, saluant ses hôtes avec cette aimable et respectueuse familiarité dont il avait le secret, s’en fut surveiller ses cuisines.
    C’est ainsi que Tanneguy du Chatel, fameux capitaine de ces temps, se trouva installé en l’auberge de Thibaud Le Poingre, et lia amitié avec le chevalier de Passavant.

XII – LE TÉMOIN
    Cette amitié ne fit que croître et embellir dans le courant de cette journée qu’ils passèrent en tête à tête. Sur les instances de Tanneguy, le chevalier raconta une partie de ses aventures, et notamment comment il avait occis Guines et Courteheuse.
    – Le plus beau, continua le chevalier, c’est ma rencontre avec vous. Voyez… En sortant des maudites caves où le sorcier m’avait conduit, j’étais faible, j’avais faim et soif, je mourais de froid. À la nuit, j’ai pu me traîner jusqu’à cette auberge. Le croirez-vous ? Parce que j’avais l’escarcelle vide, ma tête était vide aussi, et je ne trouvai rien à raconter au maître de céans. Ayant donc remarqué que la fenêtre de ma chambre était entrouverte, je me hissai tant bien que mal jusqu’à l’enseigne, de là jusqu’à la fenêtre elle-même ; je me jetai sur le lit, et, ma foi, je me suis endormi d’un sommeil qui durerait encore si les clameurs de Thibaud ne m’eussent réveillé. N’est-ce pas admirable que, dans la situation où je me trouvais, je me sois rencontré avec un homme tel que vous, capable d’assurer mon gîte et ma pitance ?
    Ceci se passait le soir après un succulent et plantureux dîner.
    – Vous oubliez, dit Tanneguy, que je vous dois la vie.
    En même temps, il décrocha son escarcelle et la vida sur la table.
    – Tiens ! fit Passavant, alors c’est la vie ou la bourse ? Au fait, un truand…
    – Partageons, dit le sire du Chatel.
    Passavant eut un geste comme pour repousser les pièces d’or que le capitaine avançait de son côté. Mais un regard qu’il jeta sur Tanneguy le fit tressaillir.
    – Eh bien ! oui, dit-il. Partageons ! Mais, ajouta-t-il en riant, si Thibaud sait ma richesse, il va me harceler. Qu’il vienne ! Ma foi, je suis bien capable de lui jeter à la tête ces choses brillantes.
    – Ne faites pas cela ! cria joyeusement Tanneguy. Thibaud perdrait toute l’estime qu’il a pour vous.
    Ce fut donc en devisant de ces choses et autres que se passa cette journée. Passavant, de nouveau, se trouvait riche, et, s’il faut tout dire, il éprouvait quelque soulagement à se sentir l’escarcelle moins plate. Un deuxième lit fut dressé dans la chambre. Tanneguy du Chatel et le chevalier de Passavant dormirent à poings fermés.
    Le lendemain fut encore une

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