Kenilworth
bourse de soie, ensuite un parchemin sur lequel étaient tracés les signes planétaires avec les lignes et les calculs d’usage pour tirer un horoscope. Après les avoir regardés attentivement pendant quelque temps, il prit dans sa cassette une grosse clef, puis soulevant la tapisserie, l’appliqua à une petite porte cachée dans un coin de la chambre, et qui ouvrait sur un escalier pratiqué dans l’épaisseur du mur.
– Alasco ! dit le comte en élevant la voix, mais de manière à n’être entendu que de l’habitant de la petite tour à laquelle conduisait l’escalier. – Alasco ! répéta-t-il, descends.
– Je viens, milord, répondit une voix. Le pas lent d’un vieillard se fit entendre le long de l’escalier tortueux, et Alasco parut dans l’appartement du comte. L’astrologue était un homme d’une petite taille ; il paraissait très avancé en âge ; sa barbe blanche descendait sur son manteau noir jusqu’à sa ceinture de soie. Ses cheveux étaient de la même couleur ; mais ses sourcils étaient aussi noirs que les yeux vifs et perçans qu’ils ombrageaient, et cette singularité donnait à la physionomie du vieillard un air bizarre. Son teint était encore frais, ses joues colorées ; et ses yeux, dont nous avons parlé, ressemblaient à ceux d’un rat, par leur expression maligne et farouche. Ses manières ne manquaient pas d’une espèce de dignité, et l’interprète des astres, quoique respectueux, semblait cependant être parfaitement à son aise ; il prenait même un ton d’autorité en conversant avec le premier favori d’Élisabeth.
– Vous vous êtes trompé dans vos pronostics, Alasco, dit le comte après lui avoir rendu son salut ; il est convalescent.
– Mon fils, répondit l’astrologue, permettez-moi de vous rappeler que je n’ai point garanti sa mort. On ne peut tirer des corps célestes, de leur forme et de leurs conjonctions, aucun pronostic qui ne dépende encore de la volonté du ciel.
Astra regunt homines, sed regit astra Deus {87} .
– Et quelle est donc l’utilité de votre science ? demanda le comte.
– Elle est grande, mon fils, répliqua le vieillard, puisqu’elle peut dévoiler le cours naturel et probable des évènemens, quoique ce cours soit subordonné à un pouvoir supérieur. Ainsi en examinant l’horoscope que Votre Seigneurie a soumis à mon art, vous observerez que Saturne étant dans la sixième maison en opposition à Mars rétrograde dans la maison de la vie, on ne peut s’empêcher d’y voir une maladie longue et dangereuse dont l’issue est entre les mains de la Providence, quoique la mort en soit le résultat probable. Cependant, si je savais le nom de la personne en question, je tirerais un autre horoscope.
– Son nom est un secret, dit le comte ; cependant je suis forcé d’avouer que la prédiction n’a pas été entièrement fausse. Il a été malade, dangereusement malade, mais non jusqu’à en mourir. As-tu de nouveau tiré mon horoscope comme Varney te l’a ordonné ? Es-tu prêt à me découvrir ce que les astres prédisent de ma fortune future ?
– Mon art est tout entier à vos ordres, dit le vieillard ; et voilà, mon fils, la carte de votre fortune aussi brillante que peuvent la rendre les célestes clartés qui répandent leur influence sur notre vie : toutefois la vôtre ne sera pas entièrement exempte de crainte, de difficultés et de dangers.
– S’il en était autrement, mon partage ne serait pas celui d’un mortel. Continuez, et soyez persuadé que vous parlez à un homme préparé à tout ce que les destins lui réservent, et déterminé à agir ou à souffrir comme il convient à un noble d’Angleterre.
– Ton courage pour l’une ou pour l’autre épreuve doit s’élever encore plus haut, répondit le vieillard. Les étoiles semblent annoncer un titre plus superbe, un rang encore plus élevé : c’est à toi de deviner le sens de cette prédiction, et non à moi de le découvrir.
– Dites-le-moi, je vous en conjure, je vous le commande ! dit Leicester. Et ses yeux étincelaient d’une curiosité inquiète.
– Je ne le puis pas et je ne le veux pas, répliqua le vieillard. Le courroux des princes est comme la colère du lion ; mais fais attention, et juge par toi-même. Ici Vénus, montant dans la maison de vie et conjointe avec le soleil, répand ces flots de lumière où l’éclat de l’or se mêle à celui de l’argent : présage assuré de
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