Kenilworth
soudain la trappe s’abaissa. Il y eut le bruit prolongé d’une chute, un faible gémissement, et tout fut fini.
Alors Varney vint à la fenêtre, et d’une voix dont l’accent exprimait un mélange affreux d’horreur et de raillerie, il dit à Foster :
– L’oiseau est-il pris ? Est-ce fait ?
– Puisse Dieu nous pardonner ! répondit Foster.
– Comment, imbécile ! ajouta Varney, ta tâche est remplie, et ta récompense assurée ; regarde dans le cadeau, que vois-tu ?
– Je ne vois qu’un monceau de vêtemens blancs, semblables à un tas de neige, dit Foster : ô mon Dieu ! elle soulève le bras.
– Jette quelque chose sur elle pour l’achever, ton coffre-fort, Tony ; tu sais qu’il est lourd.
– Varney, tu es un démon incarné, reprit Foster. Il n’y a plus besoin de rien ; elle n’existe plus.
– Voilà tous nos embarras terminés, s’écria Varney en entrant dans la chambre où il avait laissé son complice ; je ne croyais pas si bien imiter le signal du comte.
– Oh ! s’il y a une vengeance dans le ciel, tu as bien mérité d’en recevoir ton châtiment, s’écria Foster, et tu le recevras ; tu l’as tuée par ses plus tendres affections. C’est noyer un agneau dans le lait de sa mère.
– Tu es un fanatique imbécile, reprit Varney ; pensons maintenant à donner l’alarme. Il faut laisser le corps où il est.
Mais leur scélératesse ne resta pas long-temps impunie : car pendant qu’ils se consultaient, Tressilian et Raleigh survinrent, s’étant introduits dans la maison par le moyen de Tider et des autres domestiques, qu’ils avaient rencontrés au village et forcés de les accompagner.
Foster s’enfuit en les voyant entrer ; et comme il connaissait tous les passages de la maison, il échappa à toutes les recherches ; mais Varney fut surpris, et au lieu d’exprimer aucun remords, il sembla prendre un infernal plaisir à désigner le lieu où étaient les restes sanglans de la comtesse, défiant qu’on put lui prouver qu’il eût aucune part à sa mort.
À la vue du corps meurtri de celle qui était encore un moment auparavant si belle et si chérie, le désespoir de Tressilian fut si terrible que Raleigh se vit obligé d’employer la violence pour l’arracher à ce tableau douloureux, et de veiller lui-même à tout ce qu’exigeait ce fatal événement.
Bientôt Varney ne chercha plus à dissimuler ni son crime ni ses motifs, alléguant, pour expliquer sa franchise, que, quoique la plus grande partie de ce qu’il avouait n’eût pu lui être imputée que sur des soupçons, cependant ces soupçons mêmes auraient suffi pour le priver de la confiance de Leicester et renverser tous ses plans d’ambition.
– Je ne suis pas né, dit-il, pour traîner dans l’exil et la proscription le reste d’une vie déshonorée, et pour faire de ma mort un spectacle destiné à la populace.
D’après ces paroles, on craignait qu’il ne voulût attenter à ses jours, et l’on éloigna de lui tous les moyens dont il aurait pu se servir pour les abréger. Mais, comme certains héros de l’antiquité, il portait toujours avec lui une dose de poison actif, préparé sans doute par le docteur Démétrius Alasco, et qu’il avala pendant la nuit.
On le trouva mort le lendemain matin, et il ne parut pas avoir souffert une longue agonie ; car son visage présentait encore, après le trépas, son expression habituelle de rire moqueur. – La mort, dit l’Écriture, n’a point de chaînes pour le méchant.
Le sort de son complice resta long-temps inconnu. Cumnor fut abandonné après le meurtre ; car les domestiques prétendirent avoir entendu, dans le voisinage de ce qu’on appelait la chambre de lady Dudley , des cris, des gémissemens et d’autres sons extraordinaires.
Après quelques années, Jeannette, ne recevant aucune nouvelle de son père, devint la maîtresse de sa fortune, et la partagea avec Wayland, jouissant alors d’une bonne réputation et employé dans la maison d’Élisabeth.
Mais ce ne fut que long-temps après leur mort que leur fils aîné, faisant quelques recherches dans le manoir de Cumnor, découvrit un passage secret fermé par une porte de fer qui s’ouvrait derrière le lit, dans la chambre de lady Dudley . Elle conduisait dans une espèce de cellule où l’on trouva un coffre-fort rempli d’or, et sur lequel était un squelette. Le sort de Tony Foster devint manifeste ; il avait fui dans ce lieu
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