Kenilworth
affirmativement.
– Il faut que tu partes tout de suite pour l’abbaye de Cumnor avec le docteur respectable qui dort ici près dans la petite chambre voûtée. Voici la clef, pour que tu puisses l’éveiller lorsqu’il en sera temps. Prends avec toi un de tes compagnons, auquel on puisse se fier. Traitez le docteur avec toutes sortes d’égards ; mais ne le perdez pas de vue : s’il veut s’échapper, brûlez-lui la cervelle, et je suis votre caution. Je te donnerai une lettre pour Foster. On logera le docteur au rez-de-chaussée de l’aile de l’est ; il aura la liberté de se servir du vieux laboratoire et de ce qu’il contient. On ne lui laissera avoir avec la dame du château d’autres communications que celles que j’autoriserai et indiquerai moi-même, à moins qu’elle ne trouve quelque plaisir à voir ses jongleries philosophiques. Tu attendras à Cumnor mes ordres ultérieurs ; et je te recommande, sous peine de la vie, de prendre garde aux cabarets et aux flacons de brandevin. Rien de ce qui se passe au château ne doit transpirer au dehors, pas même l’air qu’on y respire.
– Il suffit, milord, je veux dire mon honorable maître, et bientôt, j’espère, mon honorable chevalier et maître ; vous m’avez donné mes instructions et ma liberté, j’exécuterai les unes ponctuellement, et n’abuserai pas de l’autre : je serai à cheval au lever du soleil.
– Fais ton devoir, et mérite mes encouragemens. Attends : avant de t’en aller, remplis-moi un verre de vin.
Comme Lambourne s’apprêtait à verser de celui qu’Alasco avait laissé à moitié : – Non, dit Varney, va m’en chercher d’autre.
Lambourne obéit ; et Varney, après s’être rincé la bouche avec la liqueur, en but un verre plein, et dit en prenant une lampe pour se retirer dans son appartement :
– C’est étrange ! personne n’est moins que moi la dupe de son imagination ; cependant je ne puis parler une minute avec cet Alasco sans que ma bouche et mes poumons me semblent infectés par les vapeurs de l’arsenic calciné.
En parlant ainsi il quitta l’appartement. Lambourne resta pour goûter le vin qu’il avait apporté. – C’est du Saint-Johnsberg , dit-il en contemplant ce qu’il avait versé dans le verre pour en savourer l’odeur ; il a le vrai parfum de la violette : mais il ne faut pas en faire d’excès aujourd’hui, pour pouvoir un jour en boire tout à mon aise. Lambourne avala un grand verre d’eau pour abattre les fumées du vin du Rhin ; puis il se retira lentement vers la porte, fit une pause, et, trouvant la tentation irrésistible, retourna vivement sur ses pas, approcha ses lèvres du flacon, et se satisfit à longs traits sans la cérémonie du verre.
– Si ce n’était cette maudite habitude, dit-il, je pourrais monter aussi haut que Varney lui-même ; mais qui peut monter, lorsque la chambre où l’on est tourne comme une girouette ? Je voudrais que la distance entre ma main et ma bouche fût plus grande, ou le chemin qui y conduit plus difficile. Mais demain je ne veux boire que de l’eau : oui, rien que de l’eau pure !
CHAPITRE XIX.
PISTOL. « J’apporte des messages de bonheur et de joie, des nouvelles précieuses.
FALSTAFF. « Je te prie de nous les raconter comme à des gens de ce monde.
PISTOL. « Au diable le monde et les imbéciles qui l’habitent ! Je parle de l’Afrique et de ses trésors. »
SHAKESPEARE, Henry IV , part. cs.
La grand’salle de l’Ours-noir , à Cumnor, où notre histoire nous ramène, pouvait se vanter, le soir dont nous parlons, de contenir une société peu ordinaire. Il y avait eu une foire dans le voisinage : le prétentieux mercier d’Abingdon, ainsi que plusieurs des personnages que nous avons déjà présentés au lecteur comme les amis et les habitués de l’auberge de Giles Gosling, avaient formé autour du feu leur cercle accoutumé, et parlaient des nouvelles du jour.
Un homme vif, plaisant et à l’air affairé, que sa balle et son aune de bois de chêne garnie de pointes de cuivre à distances égales, indiquaient comme étant du métier d’Autolycus {90} , occupa beaucoup l’attention de la compagnie, et contribua puissamment à l’amusement de la soirée. Il faut se rappeler que les marchands ambulans de ce temps-là étaient des gens d’une tout autre importance que les colporteurs dégénérés de nos temps modernes. C’était par le moyen de ces négocians
Weitere Kostenlose Bücher