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Kenilworth

Kenilworth

Titel: Kenilworth Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Walter Scott
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pouvez-vous nous laisser partir sans attirer sur nous les yeux de tout le monde ?
    – Tu te trompes, reprit Lambourne ; personne ne te verra si je ne le permets. Je jure par le ciel, messieurs, que si quelqu’un de vous a la hardiesse de jeter les yeux sur ce vieux bonhomme, je les lui arracherai de la tête avec mon poignard. Ainsi, mon vieux camarade, assieds-toi, et pas de tristesse. Tous ces gens-là sont de mes anciens amis, et ne trahiront personne.
    – Ne feriez-vous pas mieux de vous retirer dans un appartement particulier, Michel ? dit Giles Gosling ; vous parlez de choses étranges, et il y a partout des gens aux écoutes.
    – Je m’en soucie peu, dit le magnanime Lambourne. Je sers le noble comte de Leicester. Voici le vin ; verse à la ronde, maître sommelier ; une rasade à la santé de la fleur d’Angleterre, du noble comte de Leicester ! Du noble comte de Leicester ! Celui qui refuse de me faire raison n’est qu’un porc de Sussex, et je le forcerai de se mettre à genoux pendant que nous boirons le toast, dussé-je lui couper les cuisses et les fumer comme du jambon.
    Personne ne refusa une santé proposée de la sorte ; et Michel Lambourne, dont cette nouvelle libation n’avait pas diminué l’ivresse, continua les mêmes extravagances ; renouvelant ses liaisons avec ceux des hôtes qu’il avait vus autrefois, et en recevant un accueil où quelque déférence se mêlait à beaucoup de crainte ; car le moindre serviteur du comte favori, et surtout un homme tel que Lambourne, excitait assez naturellement ces deux sentimens.
    Pendant ce temps Alasco, voyant son guide dans une humeur aussi peu traitable, cessa de lui faire des représentations, et, s’asseyant dans le coin le plus obscur de la salle, demanda une petite mesure de vin des Canaries, sur lequel il sembla s’endormir, désirant s’exposer le moins possible aux regards de la compagnie, et ne rien faire qui pût rappeler son existence à son compagnon de voyage. Celui-ci paraissait avoir contracté une étroite intimité avec son ancien camarade Goldthred d’Abingdon.
    – Je veux n’être jamais cru, mon cher Michel, dit le mercier, si je ne suis pas aussi content de te voir que je l’ai jamais été de voir l’argent d’une pratique. Je sais que tu peux donner à un ami une bonne place pour voir un bal ou une mascarade ; et puis tu peux dire à l’oreille de milord, quand Sa Grâce vient visiter ces contrées, et a besoin d’une fraise espagnole ou de quelque autre chose de ce genre ; tu peux lui dire à l’oreille : Il y a ici un de mes vieux amis, Laurent Goldthred d’Abingdon, qui a un superbe assortiment de linon, de gaze, de batiste ; qui par-dessus le marché est lui-même un des plus jolis garçons du comté de Berks, et qui se battrait de bon cœur pour Votre Seigneurie avec tout homme de sa taille. Tu peux ajouter encore…
    – Je peux ajouter cent autres mensonges, n’est-ce pas, mercier ? répondit Lambourne. Mais quoi ! on ne doit pas avoir peur d’un mot lorsqu’il s’agit de rendre service à un ami.
    – À ta santé, Michel, de tout mon cœur, dit le marchand, et tu peux dire aussi quelles sont les véritables modes. Il y avait ici, il n’y a qu’un instant, un coquin de colporteur qui soutenait les bas d’Espagne, qu’on ne porte plus, contre ceux de Gascogne ; et cependant tu peux juger combien les bas français font ressortir la jambe et le genou avec leurs jarretières de rubans bariolés et la garniture assortie.
    – Excellent ! reprit Lambourne, excellent ! En vérité, ton maigre mollet passé à travers cette masse de toile gommée et de gaze fait l’effet d’un fuseau auquel il manque la moitié de sa laine.
    – Ne l’avais-je pas dit ? cria le mercier, dont le faible cerveau cédait à son tour aux fumées du vin. Où donc est ce coquin de colporteur ? Il y avait, je crois, un colporteur ici il y a un instant. Notre hôte, où diable peut donc être ce colporteur ?
    – Il est où doivent être les hommes sages, maître Goldthred, répliqua Giles Gosling. Renfermé dans sa chambre, il repasse les ventes de la journée, et se prépare pour celles du lendemain.
    – La peste soit du rustre ! dit le mercier. Ce serait une bonne action de le décharger de ses marchandises. Ces mauvais vagabonds errent dans le pays au grand détriment du marchand patenté. Il y a encore de bons lurons dans le comté de Berks, notre hôte ; et votre colporteur pourra

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