Kenilworth
alors vers Varney : – Milord vous a-t-il chargé de quelques ordres pour moi ? lui demanda-t-elle.
– Voici, madame, une lettre qu’il vous envoie, et elle contient un gage de son affection pour celle qui règne souverainement dans son cœur. En même temps il lui présenta un paquet soigneusement fermé par un fil de soie écarlate. Elle chercha avec vivacité à en dénouer le nœud, et, ne pouvant y réussir, elle cria de nouveau : – Jeannette ! Jeannette ! des ciseaux, un couteau, n’importe quoi ; que je puisse couper ce nœud qui met obstacle à mon bonheur.
– Cet instrument ne peut-il vous servir, madame ? dit Varney en lui présentant un petit poignard d’un travail précieux, qu’il portait à sa ceinture dans une gaine de cuir de Turquie.
– Non, monsieur, répondit-elle en faisant un geste dédaigneux ; votre poignard ne coupera pas mon nœud d’amour.
– Il en a pourtant coupé plus d’un, dit à part Tony Foster en jetant un coup d’œil sur Varney.
Cependant le nœud fut dénoué sans autre secours que les doigts déliés de Jeannette, jeune et jolie personne, simplement vêtue, fille de Foster, qui, s’entendait appeler par sa maîtresse, s’était empressée d’accourir. Un collier de perles orientales se trouvait dans le paquet. La jeune dame le remit à sa suivante en y jetant à peine un coup d’œil, et se mit à lire ou plutôt à dévorer le contenu d’un billet parfumé dont il était accompagné.
– Sûrement, madame, dit Jeannette regardant le collier avec admiration, les filles de Tyr n’avaient pas de plus beaux joyaux. Et l’inscription… Pour parer un cou plus blanc encore ! Certainement chacune de ces perles vaut un domaine.
– Et chaque mot de ce cher billet vaut tout le collier, mon enfant. Mais passons dans notre cabinet de toilette ; il faut nous faire belle, Jeannette. Milord vient ici ce soir ; il m’engage à vous faire bon accueil, M. Varney, et ses désirs sont une loi pour moi. Je vous invite à une collation ce soir dans mon appartement, et vous aussi, M. Foster. Donnez les ordres nécessaires pour qu’on fasse tous les préparatifs convenables pour la réception de milord. À ces mots elle sortit.
– Elle le prend déjà sur un ton, dit Varney, et elle admet en sa présence à titre de faveur, comme si elle partageait le haut rang de milord. Elle a raison ; il est prudent de répéter d’avance le rôle que la fortune peut nous destiner à jouer. Il faut que le jeune aigle apprenne à regarder le soleil avant de prendre son essor pour s’élever vers lui.
– S’il ne s’agit, dit Foster, que de lever la tête bien haut pour ne pas avoir les yeux éblouis, je vous réponds qu’elle ne baissera pas la crête. C’est un faucon que mon sifflet ne pourra bientôt plus rappeler, M. Varney. Si vous saviez avec quel ton de mépris elle me parle déjà.
– C’est ta faute, imbécile sans génie et sans invention, qui ne connais d’autre moyen de répression qu’une force brutale ! Ne peux-tu, pour lui rendre agréable l’intérieur de la maison, employer la musique et d’autres amusemens ; et, pour lui ôter la fantaisie d’en sortir, lui faire quelques contes de revenans ? Le cimetière touche aux murs de ce parc, et tu n’as pas assez de génie pour évoquer un fantôme afin de mettre à la raison les femmes qui demeurent chez toi ?
– Ne parlez pas ainsi, M. Varney. Je ne crains âme qui vive, mais je ne veux point badiner avec les morts, mes voisins. Je vous assure qu’il ne faut pas être sans courage pour vivre si près d’eux. Le digne M. Holdforth, le prédicateur de Sainte-Antholine, eut une belle frayeur la dernière fois qu’il vint me voir.
– Tais-toi, fou superstitieux ! ou plutôt, puisque tu parles de ceux qui viennent te voir, dis-moi, fourbe, comment il se fait que j’aie rencontré Tressilian dans le parc.
– Tressilian ! qui est Tressilian ? je ne connais pas même son nom.
– Quoi, misérable ! tu ne sais pas que c’est le choucas de Cornouailles à qui le vieux sir Hugh Robsart avait destiné sa jolie Amy ! et il venait ici pour rattraper la belle fugitive. Il faut prendre des précautions, car il se croit outragé, et il n’est pas homme à dévorer paisiblement un affront. Heureusement il ne soupçonne pas milord ; il croit n’avoir affaire qu’à moi. Mais, au nom du diable, comment s’est-il trouvé ici ?
– Il faut qu’il soit venu avec Michel
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