La 25ème Heure
à la main, auprès du prêtre Koruga et de son fils.
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Iohann Moritz, le prêtre Koruga et Traian habitaient maintenant tous les trois sous la même tente au camp de Darmstadt.
On avait enfin permis aux prisonniers, après une année d’attente, de recevoir du courrier.
Iohann Moritz fut le premier à recevoir une lettre. C’était la mère de Hilda qui lui écrivait :
" Cher Hans,
" Le 9 mai 1945 ta maison a brûlé. Je sais que tu n’as pas pu l’apprendre encore. Le feu a pris l’après-midi du jour où les troupes russes sont entrées dans notre ville. Hilda et Franz, ton enfant, se trouvaient dans la maison. Les premières semaines je n’ai même pas su qu’ils avaient été brûlés vifs. Mais un jour que je m’étais mise à fouiller dans les décombres pour voir si par ha sard quelque chose n’avait pas été épargné par le feu, j’ai retrouvé leurs corps carbonisés. Hilda est morte en tenant l’enfant entre ses bras. Je ne sais pas pourquoi elle ne s’est pas enfuie lorsque la maison a pris feu. Il faut croire qu’elle dormait. Cependant je ne crois pas trop que Hilda ait pu dormir à cette heure-là et surtout le jour même où les Russes pénétraient dans la ville. Tout le monde avait pris la fuite et surtout les femmes. Hilda ne dormait jamais l’après-midi, tu le sais bien. Lorsqu’elle arrivait de l’hôpital, à midi, elle se mettait tout de suite à travailler.
" J’ai rassemblé les os calcinés de Hilda et de ton enfant et je les ai mis dans le même cercueil. Je les ai enterrés dans notre cimetière. Je n’ai pas pu faire deux cercueils, car ils sont très chers et personne ne veut plus en fabriquer. Maintenant les gens d’ici enterrent leurs morts sans cercueil. On ne trouve pas de planches et les clous coûtent très cher. J’ai dû arracher les clous des murs et des tableaux et je les ai donnés au menuisier pour faire le cercueil de Hilda. Et même dans ces conditions, il ne voulait pas le faire. Il prétendait que ces clous étaient trop fins et trop courts pour un cercueil. Je lui ai donné un de tes chapeaux pour le convaincre. Je te prie de ne pas être fâché si je l’ai fait sans te demander la permission. Mais sans ce chapeau, il n’aurait jamais voulu faire le cercueil et il fallait bien enterrer leurs ossements. Ils étaient déjà depuis une semaine à la maison. J’ai fait faire une croix en bois. À ton retour, tu en commanderas une en pierre. Dans notre famille nous avons tous au cimetière de belles croix en pierre.
" On a encore trouvé parmi les ruines le corps d’un officier complètement carbonisé. Ce devait être un officier qui avait demandé l’hospitalité ou qui voulait retirer son uniforme et s’habiller en civil. C’est-ce qu’avaient fait tous les militaires, lors de l’arrivée des Russes. Mais sa serviette en cuir n’était pas complètement brûlée et j’ai trouvé ses papiers. Il s’appelle Iorgu Iordan et il est de Roumanie comme toi. Je t’écris tout cela parce que j’ai pensé que c’était peut-être un ami ou un parent qui était venu te voir. "
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– Peut-être vaut-il mieux qu’il en soit ainsi, dit le prêtre Alexandru Koruga.
Il tenait sa main sur l’épaule de Iohann Moritz et il essayait de le consoler.
– Imagine que Hilda soit encore en vie et qu’ils te relâchent un jour, chez laquelle de tes femmes retournerais-tu ? Personne ne pourrait choisir !
– Ainsi Suzanna n’a pas divorcé ! dit Iohann Moritz.
C’est seulement alors qu’il apprenait que Suzanna
lui était restée fidèle.
" Et elle m’attend à la maison ?
– Suzanna t’attend et t’attendra jusqu’à la fin de ses jours, répondit le prêtre. Elle est toujours ta femme. Elle n’a signé le papier de divorce qu’afin de pouvoir garder la maison et ne pas être jetée à la rue avec tes enfants. Elle a agi en désespoir de cause. Mais jamais elle ne s’est considérée comme séparée de toi.
– Ce divorce était donc un mensonge ! dit Iohann Moritz. Et moi qui ai cru, comme un imbécile que je suis, que Suzanna en avait épousé un autre. C’est à cause de cela que j’ai épousé Hilda. Te croyais que Suzanna m’avait abandonné. Comment ne l’aurais-je pas cru du moment que j’ai lu de mes propres yeux le pa pier de divorce ? Mais j’ai péché ! Et Dieu ne me pardonnera jamais !
– Ce péché te sera pardonné ! dit le prêtre Koruga.
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