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La 25ème Heure

La 25ème Heure

Titel: La 25ème Heure Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Virgil Gheorghiu
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l’écrivais avec " t " et en Allemagne avec "tz".
    Iohann Moritz s’arrêta. Il regardait Traian Koruga avec désespoir.
    – Continue ! dit Traian avec impatience. Pourquoi t’es-tu arrêté ?
    – Puis le sergent a dit : " Merci. Vous pouvez disposer. "
    –  C’est tout ?
    – Oui. C’est tout, dit Iohann Moritz.
    – Et tu n’as pas essayé de lui dire autre chose ? demanda Traian. Pourquoi n’as-tu rien raconté de tout ce que je t’avais appris ?
    – J’ai essayé, dit Iohann Moritz. Mais le sergent n’a pas voulu m’écouter. Il a dit sans me regarder : " Au suivant. "
    –  Et toi, qu’est-ce que tu as dit ?
    – Rien.
    – C’est absurde ! dit Traian en mettant sa tête entre ses mains. Complètement absurde. Et tu es parti ?
    – Oui, je suis parti.
    – Et c’est cela l’interrogatoire que nous avons attendu pendant toute une année en prison ? dit Traian. Il n’y a rien eu d’autre ? Peut-être as-tu oublié quelque chose ?
    – Non, il n’y a plus rien eu, dit Iohann Moritz. Moi je suis sorti. En refermant la porte, ma main tremblait. Puis ils ont appelé le suivant. C’était Thomas Mann. :
    – Que lui ont-ils demandé ?
    – Ils lui ont demandé si Mann s’écrivait avec un seul " n " ou avec deux " n ".
    – Rien d’autre ?
    Les larmes coulaient le long des joues de Iohann Moritz. Des larmes grosses comme des perles.
    – Il faut te résigner, mon vieux Moritz, dit Traian en lui tapant sur l’épaule. Après la mort des lapins blancs, il n’y a plus d’autre solution que la résignation…
     
     
     
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    Pétition n°  5. – Sujet : justice (mécanisation des interrogatoires).
    Je sais que vous avez reçu des instructions spéciales pour interroger chaque prisonnier de ce camp individuellement. Naturellement c’est un ordre stupide. Du moment que tous ces hommes ont été arrêtés en masse, automatiquement, il est absurde qu’ils soient interrogés individuellement.
    Cependant je comprends pourquoi cet ordre vous a été donné. Votre Civilisation sait faire certains gestes de courtoisie à l’égard des coutumes indigènes. Ce n’est là qu’une concession de pure forme, une simple politesse.
    L’un de vos officiers est obligé d’interroger cinq cents prisonniers durant la matinée et cinq cents autres prisonniers au cours de l’après-midi. J’ai remarqué que vous posez à tous la même question et que vous n’écoutez pas les réponses. Il serait trop Stupide, en effet, d’écouter tout ce que veut vous raconter chaque individu. Que peut-on apprendre d’intéressant de la bouche d’un prisonnier ? Rien.
    Mais je pense à toute l’énergie que vous dépensez en posant les questions. C’est un immense effort que de poser mille fois par jour les mêmes questions. J’imagine que les officiers préposés à ce service doivent ressentir le soir des douleurs dans les mâchoires et les lèvres.
    Je vous propose, en conséquence, d’enregistrer des disques de questions. Le fonctionnement serait le suivant : l’officier préposé à l’interrogatoire resterait à son bureau. Il doit être là parce que la procédure des interrogatoires individuels l’exige. Il met le pick-up en marche. Lorsque le prisonnier pénètre dans la pièce le disque dit : " Asseyez-vous ! " Le prisonnier prend place. Le disque continue à tourner. On entend la première, la seconde et la troisième question. Puis le disque annonce : " Je vous remercie. Vous pouvez disposer. " Le prisonnier se met debout et se dirige vers la porte. Lorsqu’il arrive devant la porte, le disque est arrivé à la phrase finale : " Au suivant. " Et voilà l’interrogatoire liquidé ! Puis un autre prisonnier entre. Et le disque reprend sa litanie. Avec un seul disque vous pouvez interroger ainsi quatre ou cinq cents prisonniers.
    Entre-temps, l’officier qui interroge resterait à son bureau et lirait un roman policier. À midi, lorsqu’il irait déjeuner, il pourrait manger normalement sans ressentir dans ses mâchoires aucune des douleurs dues à l’effort fourni.
    Il faut en effet tenir compte du fait que ces interrogatoires sont établis pour poser les questions et non pour écouter les réponses. La machine peut donc se charger de ce travail. La logique est parfaite. On doit respecter une formalité, mais il est inutile de surmener ceux qui mènent l’enquête. La justice ne peut que gagner à ce procédé. La Justice d’une Société

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