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La 25ème Heure

La 25ème Heure

Titel: La 25ème Heure Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Virgil Gheorghiu
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torturent et tuent peu à peu toute l’humanité. Je ne suis pas le seul à souffrir. Je le sais.
    " Ceux qui dirigent le monde se sont mis à construire des hôpitaux géants pour guérir les plaies des hommes. Mais sous leurs truelles ce ne sont point des hôpitaux, mais des prisons qui s’élèvent.
    " Tout se passe comme si on leur avait jeté un sort.
    " Ma pensée ne comprend plus.
    " C’est pourquoi je voudrais mourir. Aide-moi, Seigneur, à mourir.
    "Mes forces ne peuvent plus supporter ce tourment.
    " L’heure dans laquelle je m’intègre n’appartient plus à la vie, je suis incapable de passer avec mon poids de chair et de sang à travers elle. C’est la vingt-cinquième heure, l’heure où il est trop tard pour être sauvé, trop tard pour mourir, trop tard pour vivre. Il est trop tard pour tout.
    " Transforme-moi en bloc de pierre, Seigneur, mais ne m’abandonne pas à la vie !
    " Si Tu m’abandonnes je ne pourrai même pas mourir. Regarde ma chair et mon esprit, tous deux aspirent également à la mort, mais moi je suis encore en vie. Le monde est mort et vit encore. Je ne suis ni un fantôme, ni un être vivant.
    Traian Koruga se prit la tête entre les mains. Iohann Moritz toucha timidement l’épaule de Traian, comme pour le caresser. Mais Traian ne sentait plus rien.
    Un prêtre entra dans l’église. Il portait des vêtements militaires américains sur lesquels étaient inscrites les initiales P W., semblable en cela à tous les prisonniers.
    Iohann Moritz alla au-devant de lui et lui embrassa la main.
    Traian Koruga continuait à demeurer à genoux.
    Le prêtre demanda à Moritz d’où ils venaient et quelle nationalité ils avaient. En apprenant que la femme de Traian était arrêtée elle aussi, il croisa les bras sur la poitrine et pria pour elle. Il donna sa bénédiction à Traian qui demeurait devant la croix sans s’apercevoir de sa présence.
    – Chaque jour, à six heures, nous célébrons la messe, dit le prêtre. Je suis le Métropolite Palade de Varsovie. Mon concile de prêtres se trouve aussi enfermé dans ce camp. Nous avons tous été arrêtés. Les services religieux sont très beaux. Venez-y ! Il y a aussi un prêtre roumain qui dit la messe. Maintenant il est à l’hôpital.
    Iohann Moritz regarda fixement le Métropolite.
    – Je lui enverrai un mot à l’hôpital, dit le Métropolite Palade de Varsovie. Lorsqu’il apprendra qu’il y a des Roumains dans le camp, il viendra vous donner sa bénédiction…
     
     
     
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    Vers six heures, un concile de prêtres commença à servir la messe. Ils avaient revêtu leurs étoles par-dessus leurs uniformes militaires de prisonniers.
    Traian Koruga et Iohann Moritz se tenaient l’un près de l’autre. Le Métropolite portait la chasuble et avait coiffé la mitre. Naturellement les pierres précieuses qui les ornaient d’habitude manquaient.
    La voix du Métropolite était douce comme le son d’un violoncelle.
    Traian s’approcha de l’autel. Mais en arrivant devant le crucifix, il s’écroula. Moritz crut que Traian avait glissé et était tombé. Il courut le relever. Mais le corps de Traian était mou comme si tous ses os s’étaient résorbés. Ses joues étaient jaunes comme de la cire.
    Dans la tente de l’église, il n’y avait personne à part les prêtres. Iohann Moritz leva les yeux pour leur demander de l’aide. Mais à ce moment même, il comprit pourquoi Traian s’était écroulé. "Père Koruga ! " C’est tout ce que Moritz put balbutier. Puis il tomba à genoux devant le prêtre. On aurait dit qu’il voulait embrasser ses genoux. Mais le prêtre Koruga n’avait plus de jambes. Il s’approcha d’eux en s’appuyant sur ses béquilles.
    Traian Koruga et Iohann Moritz demeuraient immobiles.
    Les cheveux du prêtre Koruga avaient encore blanchi. Il souriait avec une expression de bonté intense, une expression de bonheur. À travers son sourire et ses yeux on pouvait apercevoir le ciel…
    – Traian, mon fils aimé ! dit le prêtre Koruga.
    En voulant se pencher, une béquille tomba. Le prêtre ne s’écroula pas. Il demeura debout, se soutenant avec une seule béquille.
    Puis il la laissa aussi tomber. Il demeura debout près de Traian, droit comme une flèche sur ce qui lui restait de jambes. Il avait laissé tomber ses béquilles pour avoir les mains libres et pouvoir embrasser son fils de ses deux bras.
    Iohann Moritz avait relevé les deux béquilles et les tenait

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