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La 25ème Heure

La 25ème Heure

Titel: La 25ème Heure Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Virgil Gheorghiu
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civilisée doit être rendue automatique. Il n’est plus nécessaire de procéder comme du temps où l’électricité n’était pas découverte. A quoi bon tant d’inventions techniques si la Justice n’emploie même pas le pick-up ?
    Le Témoin.
     
     
     
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    Darmstadt  : quinzième camp de concentration. Pareil à tous ceux qui l’ont précédé. Mais en plus, il y a une église orthodoxe. Une petite église improvisée.
    Traian Koruga et Iohann Moritz enlevèrent leurs calots et pénétrèrent dans l’église.
    L’église était installée sous une tente. Tout au fond il y avait l’autel. Les icônes étaient dessinées sur du carton avec du charbon et des craies de couleur.
    À l’intérieur il n’y avait même pas de plancher. Il n’y avait que de la terre.
    La nuit d’avant il avait plu. L’eau avait pénétré sous la tente et avait transformé la terre en boue.
    Au milieu de l’église, il y avait un crucifix de la taille d’un homme. Traian s’était agenouillé à ses pieds. Jésus était en carton. Les épines de la couronne provenaient de boîtes de conserves découpées en minces lanières.
    Traian Koruga leva les yeux vers les blessures faites par les clous sur les mains et dans les côtes du Christ. Le peintre n’avait pas eu de couleur rouge pour figurer le sang. Là où auraient dû être les blessures, il avait collé du papier rouge provenant des paquets de cigarettes Lucky-Strike. Les lettres noires n’avaient pas été effacées, elles étaient encore lisibles.
    – Jamais encore je ne t’avais vu aussi douloureusement crucifié, Jésus ! dit Traian. J’étais venu prier pour mes blessures. Mais je ne m’en sens plus capable. Pardonne-moi, Jésus, si je prie d’abord pour tes blessures en Lucky-Strike qui couvrent de sang tes cuisses, tes pieds et tes paumes. Elles sont plus douloureuses que mes blessures de sang et de chair. Permets-moi de prier d’abord pour les épines en boîte de conserves de la couronne qui est posée sur ta tête.
    Les yeux de Traian, errant sur le corps du Christ, découvrirent sur la poitrine du Sauveur la lettre "M ", écrite à l’encre d’imprimerie. C’était le " M " des boîtes de Menu Unit dans le carton desquelles avait été découpé le corps crucifié.
    Traian se mit debout et baisa les pieds du Christ.
    – Maintenant je sens que j’ai communié avec ton corps, Jésus, mon Seigneur. Notre " Menu " éternel d’espérances, Seigneur, Toi, mon Menu Unit, je n’avais jamais mieux compris que ton corps est notre nourriture. Comment le peintre prisonnier a-t-il pu avoir l’idée de tailler ton image dans le carton des boîtes de Menu Unit ? Maintenant tu symbolises toute ma soif de divinité, de pain et de liberté.
    Traian était dans un état d’extase. Il ne voyait plus personne autour de lui.
    Iohann Moritz examinait les anges faits avec le papier poli des boîtes de cigarettes, les icônes de la Vierge aux colliers travaillés dans les couvre-boîte dorés de Pudding.
    Moritz se signa devant l’icône de saint Nicolas qui ressemblait au prêtre Koruga.
    Puis il vint s’agenouiller près de Traian et regarda les plaies rouges au Christ.
    – Seigneur, dit Traian, je ne te demande pas de retirer ce verre de mes lèvres. Je sais que cela n’est point possible. Mais je t’implore de m’aider à boire ce verre. Depuis une année, je le garde tout près de mes lèvres. Depuis une année, je demeure près des frontières de la vie et de la mort. Depuis une année, je demeure aux limites de la vie et du rêve. Je suis sorti du temps, et pourtant je continue à vivre. La vie s’est retirée de mon corps par tous les pores, et cependant je suis encore en vie, et cependant je respire et je me traîne et j’introduis encore dans mon corps du pain et de l’eau bien que je ne les désire plus. Et toutes ces souffrances viennent de ce que je ne me rends pas compte si je suis prisonnier ou si je suis libre.
    " Je vois que je suis enfermé mais je n’arrive pas à croire que je suis enfermé.
    " Je vois que je ne suis pas libre et pourtant mon Esprit me dit qu’il n’y a aucune raison pour que je ne sois pas libre. La torture que produit cette incompréhension est infiniment plus dure que l’esclavage. Les hommes qui m’ont enfermé ne me haïssent pas, ne veulent pas me punir et ne désirent pas ma mort.
    "Ils veulent simplement sauver le monde !
    " Et pourtant ils me torturent et me tuent à petit feu… Ils

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