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La 25ème Heure

La 25ème Heure

Titel: La 25ème Heure Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Virgil Gheorghiu
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l’infirmier qui était de garde dans la chambre. Regarde-le : il est jaune comme de la cire.
    Traian Koruga fut étendu sur le lit. Les infirmiers délacèrent ses souliers et prirent les lacets. Puis ils baissèrent son pantalon, enlevèrent le lacet du caleçon militaire et le prirent aussi. Ensuite, ils enlevèrent ses lunettes.
    – Ne prenez pas les lunettes ! dit Traian Koruga d’une voix suppliante.
    Il était très myope.
    – Tu veux sans doute te couper les veines avec les verres ?
    – Je ne vois rien sans lunettes.
    – Tu n’as rien à voir ici.
    L’infirmier fit un paquet des lunettes, du mouchoir, de la pipe et de l’icône de Traian Koruga. C’était tout ce qu’il possédait encore sur cette terre. L’infirmier les prit et s’en alla.
     
     
     
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    –  Lève-toi et mange !
    C’était le premier matin, qu’il passait à l’hospice. Traian regarda le bol plein de soupe que lui tendait le gardien.
    – Inutile, je ne mange pas !
    – Si tu crois pouvoir en faire à ta tête, tu perds ton temps, dit le gardien.
    Il posa le bol par terre près du lit et se dirigea vers le lit voisin.
    – Je fais la grève de la faim depuis six jours, dit Traian.
    – Ici tout le monde fait la grève de la faim, ma poupée ! Tu n’es pas le seul !
    L’infirmier s’approcha du malade qui dormait, la tête enfouie sous les couvertures et portait de gros souliers ferrés. Il le découvrit. C’était un vieillard à barbe blanche. Il regarda craintivement le gardien et cacha son visage dans l’oreiller.
    – Que me voulez-vous ? demanda-t-il.
    Puis il enfouit de nouveau sa tête sous l’oreiller.
    – Lève-toi, petit père ! ordonna l’infirmier. Nous devons te donner à manger.
    Les deux fous plus jeunes s’approchèrent eux aussi du vieillard. Ils se tenaient serrés l’un contre l’autre comme s’ils avaient peur d’être séparés. L’infirmier les appelait " les Bouledogues ".
    – Vous, les Bouledogues, sautez-lui dessus ! cria le gardien.
    Il avait l’air de jeter un ordre à des chiens. L’un des bouledogues saisit le vieillard dans le dos par-dessous les aisselles. L’autre, lui leva la tête et le mit sur son séant.
    Doucement, doucement, ne lui brisez pas les os ! dit le gardien en riant.
    Le vieillard pleurait. Il avait posé son menton sur sa poitrine et il regardait obstinément le plancher.
    Ouvre la bouche, petit père ! dit l’infirmier. Ta nourrice t’apporte le biberon !
    Le vieillard avait collé le menton contre sa poitrine ci serrait les mâchoires de toutes ses forces.
    – Ouvrez-lui le museau, mais allez-y doucement !
    Les Bouledogues se mirent à genoux sur le lit, fourrèrent leurs doigts dans la bouche du vieillard et lui desserrèrent les mâchoires.
    Un des infirmiers le prit d’une main par le nez, lui bouchant les narines, et de l’autre lui versa la soupe dans la bouche.
    Le malade cracha la soupe sur la poitrine des Bouledogues qui se mirent à rire. L’infirmier versa la seconde cuillerée de soupe dans la bouche du vieillard. Cette fois-ci, le malade ne réussit pas à la cracher. La nourriture s’était arrêtée dans son gosier et il devait à tout prix l’avaler, à moins d’étouffer. Il ne pouvait pas respirer par le nez, car ses narines étaient bouchées par les doigts de l’infirmier.
    – J’étouffe ! dit-il.
    L’opération continua. Le vieillard leur criait de temps en temps qu’il étouffait et se débattait entre les bras des Bouledogues qui le tenaient serré de toutes leurs forces.
    – Tu vois bien que ça peut aller, petit père ! dit l’infirmier.
    Le vieillard était jaune comme de la cire.
    Traian Koruga se couvrit les yeux pour ne plus voir ce spectacle.
    – Tu as peur ? demanda l’infirmier. Dans quelques minutes ce sera ton tour.
    – Nous lui donnerons à manger à lui aussi ? demandèrent d’une seule voix les Bouledogues.
    – S’il n’est pas sage, nous lui donnerons à manger à lui aussi.
    Les Bouledogues ne regardaient plus le vieillard. Ils fixaient les mâchoires et le cou de Traian.
    Traian Koruga se pencha, prit le bol de soupe et se mit à manger très vite, sans mâcher. Lorsqu’il eut fini, il dit :
    – Vous avez raison. Celui qui refuse de manger après avoir été interné dans un hospice est un fou. Les fous ne peuvent pas faire la grève de la faim, car ils sont irresponsables. Mais moi, je ne suis pas fou. Et c’est pourquoi j’ai mangé. Ce

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