La 25ème Heure
mirent à fumer.
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Pétition n° 7. – Sujet : justice. Punition du criminel de guerre
Iohann Moritz. (Pétition reçue au bureau après la mort de Iohann Moritz. (Pétition reçue au bureau après la mort du Témoin.)
Le Tribunal international de Nuremberg a décidé, au nom de cinquante-deux nations, que mon ami Iohann Moritz était un criminel de guerre.
Cela est une bonne chose. Dès la publication du décret de condamnation, je ne me promènerai plus avec lui dans la cour du camp. Il est peu agréable et, par-dessus le marché, très mal vu de se promener en compagnie de criminels.
Mais Iohann Moritz paraît fort indifférent à l’égard de la décision du Tribunal international de Nuremberg, et de la gravité de son crime.
C’est là l’objet de ma pétition.
Il prétend n’avoir jamais tué de sa vie, ni même une mouche, et donc n’être pas criminel. Ce qui doit être faux du moment que cinquante-deux nations ont établi dans un Tribunal international que Iohann Moritz est un criminel. Moritz prétend aussi ne pas connaître les cinquante-deux nations et donc n’avoir pas pu commettre de crimes à l’égard de ces dernières. Son raisonnement est sans doute naïf. Je lui ai donc lu les noms des cinquante-deux nations qui l’accusent. Il y en a qu’il entendait pour la première fois de sa vie. Il ne savait même pas qu’elles existaient sur la surface de la terre. Mais ceci ne peut-être une excuse.
Iohann Moritz s’est mis en colère lorsqu’il a vu que parmi les cinquante-deux nations qui l’accusaient figuraient la France et la Grèce. Il est devenu blême de colère. Et il s’est refusé à croire ce qu’on affirmait. Il prétend avoir connu jadis six Français qu’il a sauvés de prison. Il n’a connu qu’un seul Grec qui était enfermé avec lui dans un camp et auquel il a cédé la moitié de son pain. À part cela il n’a jamais eu d’autres relations avec la Grèce. Mais ce sont là des questions strictement personnelles et individuelles.
Iohann Moritz est également considéré comme criminel par ces deux nations.
La décision est claire et catégorique.
Afin de le convaincre de sa culpabilité envers des
Nations alliées, je propose que Iohann Moritz purge sa peine à raison d’une année de prison dans chacun de ces pays. Ainsi il pourra se convaincre qu’il est effectivement criminel de guerre et son indifférence finira par disparaître.
Cependant, comme il est peu probable que Iohann Moritz ait encore cinquante-deux années à vivre étant donné son état d’affaiblissement général – état commun à tous les criminels – étant donné également que par sa mort avant terme quelques-unes des cinquante-deux nations victimes pourraient se trouver lésées du fait de ne pas l’avoir, elles aussi, tenu enfermé, je propose que la durée des travaux forcés auxquels il sera astreint, soit réduite à six mois pour chaque pays. Cela lui fera au total vingt-six ans de prison.
Si au bout de ces vingt-six ans, il n’est pas encore mort (et il serait vraiment regrettable qu’il meure sans avoir purgé sa peine dans chacun des cinquante-deux pays alliés), je propose qu’il soit enchaîné et emmené faire une tournée d’un mois à travers les prisons de chacune des cinquante-deux nations. Lorsque le cycle sera achevé, il n’aura qu’à recommencer.
Ainsi toutes les nations en auront leur part et aucune ne sera lésée.
Il faut que Justice soit faite. La Justice est la base sur laquelle repose la Société technique occidentale.
Cependant, comme certains pays (par exemple la R11ssie, la Pologne et la Yougoslavie) n’entretiennent pas leurs prisonniers en parfait état de fonctionnement et qu’il leur arrive même parfois de les oublier dans leurs prisons, je propose qu’avant chaque tournée, Iohann Moritz soit pesé très rigoureusement et soit accompagné de l’inventaire scrupuleux de tous les organes qui sont en sa possession.
Chaque nation devra prendre en charge Iohann Moritz du Tribunal international de Nuremberg et le rendre audit Tribunal dans l’état même où elle l’avait reçu – pesant en livres le même poids et ayant encore en sa possession tous les membres portés à l’inventaire.
Et ainsi Iohann Moritz pourra être maintenu en parfait état de fonctionnement et utilisé par chacune des cinquante-deux nations.
La Société technique occidentale a pour principe de ne rien laisser se
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