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La 25ème Heure

La 25ème Heure

Titel: La 25ème Heure Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Virgil Gheorghiu
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détériorer.
    Il est de notre devoir de demander aux nations moins civilisées que les nôtres de ne pas se comporter à l’égard des objets qui leur sont confiés, en barbares.
    Notre mission est de civiliser la terre entière ! Cela est notre rôle. Et nous en sommes fiers.
    Le Témoin.

INTERMEZZO
     
     
     
    Iohann Moritz a fini par sortir du camp.
    Il avait été absent treize ans.
    Entre-temps, il était passé par des centaines de camps. Maintenant il a retrouvé sa femme et ses enfants.
    Il était dix heures du soir. Leur premier soir ensemble. Iohann Moritz avait mangé. Il demeurait les coudes sur la table et regardait ses enfants.
    Petre, le plus grand, avait quinze ans. Moritz le regardait. Il se frottait les yeux pour se persuader qu’il ne rêvait pas. Et il ne pouvait arriver à croire que c’était là son garçon, à lui, Iohann Moritz.
    Petre portait une canadienne américaine, teinte en bleu, il fumait et il avait les mêmes yeux que son père.
    Petre, non plus, n’arrivait pas à croire que cet homme maigre, aux tempes grisonnantes, cet homme qui se trouvait là devant lui, et qu’il n’avait jamais vu auparavant, était son père.
    Mais à présent qu’ils allaient habiter la même chambre, il cherchait à se le rendre familier.
    Je parlerai au chef, et peut-être te trouvera-t-il du travail dans mon atelier, dit Petre.
    Iohann sourit.
    – Si c’est moi qui te recommande, le chef te prendra sûrement, continua Petre. Il n’engage jamais d’ouvriers non qualifiés – et toi tu n’es pas qualifié. Mais il fera une exception quand je lui dirai que tu es mon père.
    Iohann Moritz regarda son second fils, Nicolae, qui ressemblait à Suzanna. Il était tout aussi blond et il avait les mêmes regards doux comme le velours.
    Iohann Moritz regarda aussi le troisième enfant, âgé de quatre ans. Ce n’était pas son fils. Suzanna l’avait fait avec les Russes. Mais Iohann Moritz lui avait pardonné. Ce n’était pas sa faute.
    Iohann Moritz alluma une autre cigarette. Petre lui avait offert, pour lui souhaiter la bienvenue, tout un paquet de cigarettes.
    Iohann Moritz était fatigué, mais il n’avait pas envie de se coucher.
    Il n’y avait que deux lits dans la chambre. Suzanna et le gosse allaient dormir dans le petit lit. Iohann Moritz allait dormir tout seul dans l’autre et les garçons coucheraient sur une couverture, par terre.
    – Pour le moment, ça pourra aller, dit Petre. Ensuite, nous trouverons une chambre ou un lit en plus.
    Les garçons étendirent leurs couvertures par terre et commencèrent à se déshabiller.
    Iohann était resté à table, sa tête entre les mains. Il regardait Petre et Nicolae se déshabiller et se coucher. Ils lui souhaitèrent bonne nuit en allemand. Iohann Moritz aurait aimé qu’ils le lui disent en roumain. Mais les garçons connaissaient mal le roumain.
    Suzanna mit le gosse au lit. " L’enfant des Russes ", pensa Moritz. L’enfant était très beau. Il avait des boucles blondes.
    Moritz n’aimait pas le regarder. Au camp, lorsqu’il avait écrit à Suzanna, il lui avait dit qu’il considérerait cet enfant comme le sien.
    Mais Suzanna, non plus, n’aimait pas voir Moritz regarder l’enfant aux boucles blondes. Elle le déshabillait et le fourrait au lit comme pour le cacher.
    Suzanna demeura, un moment encore, debout au beau milieu de la pièce, ne sachant que faire.
    Puis elle s’assit à table devant son mari. Elle savait bien que Moritz était fatigué. Mais elle n’osait lui dire d’aller dormir. Elle se sentait coupable de tout ce qui était arrivé. Et de ce qu’il avait été arrêté, et des années qu’il avait passées dans les camps. C’était bête… mais c’était plus fort qu’elle. Elle ne pouvait s’en empêcher…
    Et de ce que les Russes l’aient violée. Cela aussi était sa faute. Elle ne pouvait supporter le regard de Iohann Moritz. Et c’est pourquoi elle n’osait pas lui dire d’aller dormir.
    Elle avait su qu’il allait venir. Elle lui avait préparé à manger. Elle lui avait préparé son lit. Il était arrivé avec une faim de loup et il avait dévoré tout ce qu’il y avait sur la table.
    Et il avait déjà fini de fumer la moitié du paquet de cigarettes, offert par Petre.
    Maintenant que les enfants s’étaient endormis, Suzanna leva les yeux vers son mari. Leurs regards se croisèrent et demeurèrent comme accrochés pendant un moment. Ils ne pouvaient plus se

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