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La 25ème Heure

La 25ème Heure

Titel: La 25ème Heure Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Virgil Gheorghiu
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puisque nous sommes ensemble et rien qu’entre nous, devons parler yiddish !
    – Mais moi je ne suis pas juif ! dit Moritz.
    – À quoi bon t’en cacher puisque tu es arrivé ici ? dit Isaac Lengyel. Avant d’être pris, tu aurais pu te cacher. Et tu aurais bien fait. Mais ici ça n’a plus aucun sens. Si tu persistes à mentir, vis-à-vis de nous, tu es un renégat.
    – Mais, monsieur Lengyel, je ne suis pas juif.
    La voix de Moritz tremblait.
    – Ça te regarde ! fit le vieux. Si tu préfères être un renégat !…
    Iohann Moritz était demeuré seul. Personne ne voulait croire qu’il n’était pas juif. Tous prétendaient qu’il mentait, qu’il n’était pas Roumain, qu’il faisait toutes ces histoires pour sortir du camp.
    Dans le registre du camp tenu par le vieux Lengyel, il était inscrit comme juif sous le nom de Moritz Jacob.
    – Il n’y a pas de juif qui s’appelle Iohann ! avait prétendu Lengyel. Le nom juif est Jacob. C’est comme ça que tu t’appelles. Ion n’est pas ton nom non plus. Ça n’est que la traduction roumaine de Jacob.
    Les camarades de camp lui disaient Yankel. Il ne s’y opposa point. Mais il lui était difficile de s’y habituer.
    – Vous pouvez m’appeler et Jacob et Yankel, avait-il dit. Je regrette seulement que vous ne me croyiez pas !
     
     
32
     
     
     
    Ioann Moritz apprit que tous les juifs avec lesquels il se trouvait avaient été amenés au camp sur des ordres de réquisition. Il était convaincu maintenant que l’État réquisitionnait les juifs comme on réquisitionne les chevaux, les charrettes et les sacs de blé. Mais lui n’était pas juif. C’est ce qu’il voulait dire à l’adjudant. Il n’y avait personne d’autre à qui il aurait pu le dire. Mais l’adjudant n’avait jamais de temps libre. Un jour enfin il parvint à lui parler. L’adjudant était furieux.
    – Depuis quatre mois que tu es là, tu ne fais que m’embêter. Je vois bien que tu es un élément de désordre. Chaque fois que j’ouvre la porte du bureau, je te trouve là, cloué au seuil. Chaque jour tu as à la bouche une réclamation. Tu ne manges pas assez ? Tu ne peux pas travailler ? Tu ne peux pas vivre sans ta femme ?
    Iohann Moritz avait préparé un discours qu’il se répétait chaque jour en lui-même. Il voulait raconter à l’adjudant toute son histoire.
    – Sois bref ! dit l’adjudant.
    – Je veux m’en aller, dit Iohann Moritz. Je ne suis pas juif.
    – Tu n’es pas juif ?
    L’adjudant fixa ironiquement Moritz. Il prit le registre des prisonniers qui se trouvait sur la table, l’ouvrit à la lettre M et lut :
    – Moritz Jacob, vingt-huit ans, marié, deux enfants, domicilié dans le village de Fântâna. Nom de la femme : Suzanna. C’est bien toi, non ?
    – C’est moi, répondit Moritz.
    – Alors pourquoi viens-tu me raconter que tu n’es pas juif ?
    – C’est bien moi, dit Moritz. Mais je ne suis pas juif.
    – Ce que tu affirmes est très grave ! T’en rends-tu compte ? dit l’adjudant. Un seul mensonge et c’est la prison. Tu soutiens que tout ce qui se trouve écrit ici – et ce sont des actes militaires – est faux. Tu sais bien ce qui t’attend et tu prétends encore que tu n’es pas juif ?
    – Je ne le suis pas, répliqua Moritz.
    – Mais alors que fais-tu ici ?
    – Je n’en sais rien !
    – Pourquoi viens-tu me le dire seulement maintenant ? demanda l’adjudant. J’ai écrit dans tous les papiers officiels que les deux cent cinquante hommes qui travaillent au canal sous mon commandement sont tous juifs. J’ai écrit et j’ai signé. Tu viens me dire maintenant que tu n’es pas juif. J’ai donc signé à faux. C’est la prison qui m’attend !
    L’adjudant était tout rouge de colère.
    – Tu mériterais que je te flanque une paire de gifles à t’en faire tinter les oreilles pendant cinq jours. Je prendrai pourtant note de ta déclaration. Mais ce que tu dis là est très grave. Et c’est pourquoi tu écriras cette déclaration de ta propre main et tu la signeras. Celui qui t’a envoyé ici ira en prison si tu n’es pas juif. Mais si tu es juif, alors tu quitteras le camp pour le bagne. Tu as bien compris ?
    Moritz demeura debout près de la porte. L’adjudant écrivit la déclaration et la lui fît signer. Il y était écrit que Moritz n’était pas juif et qu’en conséquence il demandait à être mis en liberté.
    – Et maintenant tu peux t’en

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