Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La 25ème Heure

La 25ème Heure

Titel: La 25ème Heure Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Virgil Gheorghiu
Vom Netzwerk:
fermait les yeux.
    Le lendemain matin les juifs furent disposés sur deux rangs et comptés. Johann Moritz et Marcou Goldenberg se trouvaient de nouveau l’un à côté de l’autre. Lorsque Iohann Moritz souhaita le bonjour au juif, celui-ci lui répondit. Moritz crut même voir qu’il souriait.
    Un adjudant se plaça devant la colonne et distribua aux prisonniers des pelles et des pics. Ils en reçurent chacun. Dix hommes déchargèrent la chaudière du camion et l’installèrent devant les étables sous un noyer. Puis l’adjudant qui avait des dents en argent et une moustache noire leur tint un discours. Il leur dit que les juifs devaient creuser ce canal pour le bien et la défense de la patrie.
    Il leur dit aussi que lui – l’adjudant – était le Dieu des juifs et que s’il lui arrivait d’affirmer quelque chose, même Moïse là-haut au ciel ne pouvait qu’approuver. Il leur dit aussi que lui – l’adjudant – était le Dieu des juifs et que s’il lui arrivait d’affirmer quelque chose, même Moïse là-haut au ciel ne pouvait qu’approuver. L’adjudant leur dit encore qu’il s’appelait Apostol Constantin et qu’il avait deux fils, l’un avocat et l’autre officier.
    Les juifs l’écoutaient attentivement. Quelques-uns souriaient. Mais tous avaient peur.
    – Il n’y aura rien à manger aujourd’hui, dit l’adjudant. La cuisine n’est pas encore installée. À partir de demain vous aurez du thé et de la soupe aux haricots deux fois par jour. Et en plus un demi-pain.
    Puis le travail commença. Chaque homme devait creuser chaque jour une certaine surface de terrain. Quand il en venait à bout, il était libre jusqu’au soir. S’il n’achevait pas sa tâche, il était accusé de sabotage, enchaîné et déféré à la Cour Martiale comme ennemi de la patrie. L’adjudant le leur avait affirmé et les prisonniers l’avaient cru.
    Iohann Moritz était sorti de la colonne et avait dit à l’adjudant qu’il n’était pas juif. L’adjudant avait répondu qu’il n’examinerait aucune réclamation avant d’avoir installé son bureau. Iohann Moritz avait regagné sa place auprès de Marcou Goldenberg et avait attendu. Il savait bien qu’à l’armée il fallait s’habituer à attendre.
    Le bureau ne fut installé que dix jours après. C’était une baraque en bois avec des tables, des chaises et des lits pour les gardes.
    Lorsque Iohann Moritz se présenta devant la porte du bureau, l’adjudant lui dit de revenir dans une semaine. Il n’avait pas encore le temps d’examiner les réclamations.
     
     
     
31
     
     
     
    Pendant qu’il creusait le canal et enfonçait la bêche dans la terre, Iohann Moritz demanda son nom à son voisin de droite. Moritz aimait bien causer avec les gens qui l’entouraient. Les hommes qui ne se parlent pas ruminent de la haine.
    – Tu as honte de parler yiddish ? demanda son voisin.
    – Je ne sais pas le yiddish ! répondit Moritz.
    – C’est honteux.
    Le juif cracha par terre et regarda ostensiblement ailleurs.
    Moritz se tourna vers son voisin de gauche. Il voulait lui expliquer.
    – Parle-moi yiddish, lui répondit son voisin de gauche.
    – C’est justement ce que je veux te dire, répliqua Moritz. Moi je ne sais pas le yiddish.
    Les juifs le regardèrent avec haine. Il interrompit son travail et essaya de leur expliquer. Mais personne ne l’écoutait.
    " Ils se sont concertés pour ne parler que yiddish. Ça les regarde. Ils sont juifs et ils ont le droit de parler leur langue. Mais moi pourquoi est-ce que je parlerais yiddish ?
    – Peut-être parles-tu hébreu si tu as oublié le yiddish ? demanda quelqu’un.
    Moritz leva la tête et s’apprêta à répondre. Tous avaient cessé leur travail et le regardaient. Puis ils éclatèrent de rire.
    Iohann Moritz devint furieux. Il était rouge de colère. Il ne pouvait plus se contenir.
    – S’il s’agit de langues étrangères, c’est moi qui peux rire et non vous. J’en connais quatre sur le bout des doigts. Combien en sais-tu, toi ? dit-il à son voisin de droite qui lui répondit très vite :
    – Moi, je sais le yiddish !
    Moritz frappa la terre de sa bêche. Il voyait bien que les juifs voulaient se moquer de lui. Ils savaient tous le roumain. Mais ils ne voulaient pas le parler.
    Lorsque le travail cessa, le vieux Isaac Lengyel, le chef de la colonne, le prit à part et lui dit :
    – Nous autres juifs, traversons en ce moment une époque difficile et

Weitere Kostenlose Bücher