Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La 25ème Heure

La 25ème Heure

Titel: La 25ème Heure Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Virgil Gheorghiu
Vom Netzwerk:
aller, dit l’adjudant. Demain matin j’envoie le papier que tu viens de signer. Puis nous attendrons la réponse.
    Iohann Moritz souriait. En sortant du bureau il avait l’impression de s’en aller à la maison. Strul, le garde, lui courut après et le rappela. L’adjudant avait encore quelque chose à lui dire.
    – Écoute, Moritz, dit l’adjudant. Moi, j’ai vingt-cinq ans de service. Je suis père de famille. Je ne veux pas renoncer à ma carrière à cause de ta déclaration. Ton cas n’est pas aussi simple qu’il en a l’air. Tu t’appelles Moritz. Pourquoi t’appelles-tu Moritz si tu n’es pas juif ? Et d’une ! Tu parles yiddish. Et de deux ! As-tu déjà vu un Roumain qui parle yiddish ? Est-ce que je parle yiddish, moi ?
    – J’ai appris au camp ! répondit Moritz. Quand on sait l’allemand et qu’on entend toute la journée parler yiddish, on finit par l’apprendre. Ça n’est pas difficile.
    – Écoute, dit l’adjudant. Premièrement : Tu as un nom juif. Deuxièmement : tu parles yiddish. Troisièmement : tu es inscrit dans ces papiers comme étant juif. Et tu voudrais me faire croire que tu es Roumain ?
    L’adjudant avait à la main la déclaration signée par Moritz. Il la posa sur la table comme s’il l’avait jetée dans la corbeille à papiers.
    Iohann ne quitta pas la pièce. Le dépit lui serrait la gorge.
    – Je jure sur tous les saints que je ne suis pas juif, mon adjudant.
    – C’est ce que nous verrons plus tard, répondit l’adjudant. En attendant, j’ai pris note de ta déclaration et je vais rapporter ce que j’ai constaté. Je suis un homme juste, moi. Je l’ai été toute ma vie. En dehors de ta déclaration, j’ai pris note également du fait que tu as un nom juif dont tu ne connais pas l’origine et que tu parles yiddish, mais que tu déclares l’avoir appris au camp et que des témoins peuvent le certifier. En venant ici tu ne le savais pas, n’est-ce pas ?
    – Non, répondit Moritz.
    – Passons à autre chose, dit l’adjudant. De quelle religion es-tu ?
    –  Orthodoxe.
    L’adjudant le regarda soupçonneux.
    – Tu connais la manière dont sont baptisés les juifs ?
    – Je la connais.
    – Et tu déclares ne pas être comme eux ?
    – Je ne le suis pas.
    – C’est sûr ?
    – Sûr, mon adjudant.
    – Passe près de la fenêtre à la lumière et fais voir que tu n’es pas baptisé comme les juifs ! ordonna l’adjudant.
    Iohann Moritz s’approcha de la fenêtre. Il déboutonna son pantalon et le laissa tomber. Il resta nu et regarda l’adjudant.
    – Ce n’est pas la peine de rougir comme une femme, dit l’adjudant. Il n’y a pas de quoi avoir honte. Mets-toi dans la lumière et laisse-moi voir. Je veux constater de mes propres yeux, pour savoir ce que je dois écrire dans mon rapport.
    L’adjudant quitta son bureau. Il s’agenouilla devant Moritz et se mit à étudier avec soin l’endroit en question. Il comparait ce qu’il voyait avec ce qu’il avait déjà vu ou ce dont il avait entendu parler. Mais il ne savait pas très bien à quoi s’en tenir. Et dans le rapport il lui fallait être exact. Il se mit debout, et alluma une cigarette. Il était tout rouge.
    – Tu me causes un tas d’ennuis, Moritz, dit-il. Tu crois que la patrie m’a envoyé ici pour regarder ta… Je suis militaire, mon garçon, et ce n’est pas là mon affaire. Si je le fais, c’est pour être juste. Peut-être bien que tu n’es vraiment pas juif, et alors ce n’est pas la peine que je te garde ici.
    L’adjudant ouvrit la porte de la chambre d’à côté et appela le garde Strul.
    – Examine Moritz ! lui ordonna-t-il et dis-moi si on la lui a coupée comme à toi.
    Strul s’agenouilla devant Moritz. Il était employé de banque. Il faisait chaque chose avec une précision mathématique, et beaucoup d’attention. Comme pour les chiffres. Il mit la main dessus, et l’examina attentivement. Puis il se mit debout au garde-à-vous et rapporta :
    – S’il est circoncis cela ne peut être que superficiel.
    – Qu’est-ce que ça veut dire " superficiel ? " dit l’adjudant. Réponds-moi clairement. Il l’est, ou il ne l’est pas ?
    – Je ne peux pas le préciser, répliqua Strul. Il me semble bien voir qu’il y a une coupure partielle, mais je ne saurais affirmer si elle a été faite par un rabbin ou provient d’autres causes.
    – Tu vois bien, Moritz, que ton cas est très compliqué. Mais je vais

Weitere Kostenlose Bücher