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La 25ème Heure

La 25ème Heure

Titel: La 25ème Heure Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Virgil Gheorghiu
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antisémites.
    Iohann Moritz se garda bien de dire un seul mot en roumain. Mais il ne parla pas yiddish. Il était las. En arrivant chez la sœur du docteur, rue Petôfi, Moritz chancelait de fatigue sous le poids des valises. Il les déposa devant la porte. La bonne vint et lui donna un coup de main pour les monter. Moritz l’accompagna dans la cuisine. Elle portait une robe bleue. Cette robe, Moritz avait l’impression de l’avoir déjà vue quelque part. Puis il se rappela que Suzanna en portait jadis une pareille.
     
     
     
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    La sœur du docteur Abramovici avait de l’embonpoint. Elle portait une robe de chambre à grandes fleurs rouges. Elle parlait vite et beaucoup. Elle fît appeler Iohann Moritz dans la pièce où se trouvaient le docteur Abramovici, Hurtig, Strul et Isaac Nagy, le beau-frère du docteur, et leur donna à tous de l’eau-de-vie. Moritz demeura debout. Il n’y avait pas assez de chaises pour tout le monde. La sœur du docteur apporta une théière et la mit au milieu de la table. Elle regarda Moritz et lui dit :
    – Tu n’as pas de place. Va prendre le thé à la cuisine.
    – Il vaut mieux en effet, dit Nagy en hongrois. Nous avons à parler de choses sérieuses entre nous.
    Moritz comprit que ces messieurs n’aimaient pas s’asseoir à table à côté de lui. Mais il ne s’en froissa pas. Iulisca était toute contente de le voir arriver à la cuisine. Elle lui versa trois tasses de thé avec beaucoup de sucre et du citron. Puis elle lui servit trois grosses tranches de pain avec du jambon et du beurre. Moritz mangea vite, il avait une faim de loup. Puis il voulut se laver, mais Iulisca lui dit :
    – Viens d’abord avec moi au marché ! Tu te laveras quand nous serons de retour.
    Iohann Moritz prit le panier et partit avec Iulisca pour faire des courses. Ensuite, chaque matin, il l’accompagnait au marché.
    En revenant du marché il coupa du bois et le porta à la cuisine. Après le déjeuner, il lava la vaisselle avec Iulisca. Elle avait une nature gaie et blaguait sans cesse. Iohann Moritz se plaisait bien dans cette maison.
     
     
     
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    Tout au travail de la cuisine et aux blagues de Iulisca, Moritz ne s’était même pas rendu compte que la journée avait passé sans qu’il ait vu le docteur Abramovici et les autres. Il demanda vers midi de leurs nouvelles. La sœur du docteur Abramovici lui dit qu’ils dormaient. Puis il s’occupa de ses affaires et n’y pensa plus. Le soir venu, en se mettant au lit, il se rendit compte qu’il ne leur avait pas parlé de la journée. Ils avaient pourtant mangé à la maison. Moritz en était certain, car il avait lavé les assiettes du déjeuner. Et à cinq heures ils étaient encore là pour le café, car il avait lavé cinq tasses. Mais il ne se rappelait plus le nombre de couverts du dîner. Iulisca avait apporté toute une pile d’assiettes et Moritz ne les avait pas comptées avant de les laver. Il ne pouvait même pas s’endormir tellement il était tourmenté. Il avait l’impression qu’il y avait eu moins d’assiettes après le dîner.
    " Peut-être Hurtig est-il allé chez ses parents ", se dit-il. Il regrettait que Hurtig soit parti sans l’avoir vu. Mais après tout peut-être avait-il dîné à la maison et Moritz s’était-il seulement imaginé voir moins d’assiettes. Mais le lendemain matin, Moritz put constater qu’il avait deviné juste. Hurtig était parti la veille. Le soir il n’avait pas dîné chez Isaac Nagy. Mais le docteur Abramovici et Strul étaient encore là. Vers dix heures Iulisca lui apporta leurs souliers et il les cira soigneusement. Puis il voulut les porter dans la maison. Mais Iulisca l’arrêta sur le seuil. Elle prit les souliers et les porta elle-même. En revenant elle dit à Moritz :
    – Madame m’a défendu de te laisser entrer. Elle est comme ça, que veux-tu, elle a toujours peur qu’on la vole.
     
     
     
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    Dans le courant de l’après-midi, le docteur Abramovici fit venir Moritz dans la salle à manger.
    – Prends ces valises et viens avec moi, lui ordonna-t-il.
    Moritz était content. Il savait bien que le docteur allait l’appeler, qu’il ne l’avait pas oublié.
    – Pourquoi vas-tu nu-pieds ? demanda le docteur en colère, lorsqu’ils descendirent dans la rue.
    Moritz eut honte. Mais il n’avait pas de chaussures. Il regarda tout autour de lui dans la rue et ne vit personne aller pieds nus. Il parcourut le

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