Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La Bataille

La Bataille

Titel: La Bataille Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Patrick Rambaud
Vom Netzwerk:
grenadiers à la gauche du front, et puis
Claparède, Tharreau au centre, et vous, Saint-Hilaire, sur la droite devant
Essling.
    — Nous n’attendons pas l’armée du Rhin ?
    — Elle est déjà là. Davout va survenir d’un instant à
l’autre pour nous appuyer.
    Le comte Saint-Hilaire avait un profil de médaille romaine,
des cheveux courts rabattus sur le front, le cou engoncé dans un très haut col
brodé ; droit sur son cheval capricieux, qu’il bridait d’une poigne ferme,
il partit retrouver ses chasseurs, une cohorte aux uniformes fantaisistes qu’on
n’identifiait qu’à leurs épaulettes de laine verte. Il s’arrêta devant la ligne
des tambours, en remarqua un qui lui semblait un enfant et interrogea son
major, un colosse rehaussé par son bonnet emplumé, au costume étincelant,
surchargé de guirlandes et de broderies du collet jusqu’aux bottes :
    — Quel âge a ce gamin ?
    — Douze ans, mon général.
    — Et alors ? grogna le jeunot.
    — Alors ? Je pense que tu as le temps de te faire
tuer. Tu es donc bien pressé ?
    — J’étais déjà à Eylau, et j’ai frappé la charge à
Ratisbonne, et je n’ai pas eu une égratignure.
    — Moi non plus, dit Saint-Hilaire en riant, mais il
mentait en oubliant une blessure reçue sur le plateau de Pratzen, à Austerlitz.
    Du haut de sa selle il regardait le petit bonhomme, son
tambour presque aussi grand que lui qui reposait sur le tablier rond en cuir de
vache.
    — Ton nom ?
    — Louison.
    — Pas ton prénom, ton nom.
    — Pour tout le monde c’est Louison, Monsieur le
général.
    — Eh bien tire tes baguettes de ta bandoulière,
Louison, et frappe comme à Ratisbonne !
    L’enfant obéit. Le tambour-major leva sa canne de jonc à
pomme d’argent et les autres se mirent à battre à l’unisson du gamin.
    — En avant ! ordonna Saint-Hilaire.
    — En avant ! criait au loin le général Tharreau à
ses hommes.
    — En avant ! criait Claparède.
    L’armée avançait dans les blés verts. La brume s’effaçait en
lambeaux, et les Autrichiens découvrirent l’infanterie de Lannes quand elle
marchait sur eux. Le maréchal arriva en galopant et vint trotter à côté de
Saint-Hilaire ; il leva son épée et la division prit le pas de charge,
précédée par Louison qui frappait comme un dément sur la peau de sa caisse,
persuadé, lui aussi, d’être un peu maréchal.
    Surpris par la vigueur et la brusquerie de l’attaque, les
soldats de Hohenzollern tentèrent de répliquer, mais les chasseurs enjambaient
leurs camarades tués et fonçaient à la baïonnette. Sous la poussée, les
premières lignes autrichiennes reculèrent, reculèrent encore : derrière la
foule des fantassins, ils apercevaient les gueules de cent canons qui les
visaient depuis la crête du glacis.
    Au plus cruel de la bataille, Lannes perdait ses doutes. Il
n’était plus qu’un guerrier. Il s’époumonait, il gesticulait parmi ses hommes
qu’il poussait toujours plus avant ; donnant l’exemple il les entraînait,
il les éblouissait, il parait des coups, il eut même une décoration de sa
poitrine arrachée. Voyez-le qui jette son cheval nerveux contre des artilleurs,
les épouvante, les renverse, les sabre avec furie. Voyez-le qui déboule dans un
carré adverse, entend siffler des balles dont il ne se soucie pas, enlève un
drapeau jaune au dessin compliqué et, de la pointe dorée, embroche un
lieutenant. Saint-Hilaire vient à la rescousse en plantant son épée dans le dos
d’un grenadier blanc. Ensemble ils se démenaient, ils effrayaient, ils
enflammaient leurs soldats à tel point que les ennemis, qui s’étaient d’abord
retirés avec méthode, commençaient à s’affoler ; cela se remarquait à leur
désordre dans le repli, aux brèches qu’ils offraient quand ils s’éparpillaient
dans les moissons piétinées.
    — Nous gagnons, Saint-Hilaire, disait Lannes en
haletant, et il montrait une scène qui se déroulait à l’arrière de l’armée
autrichienne : à cent mètres, des officiers munis de bâtons frappaient
leurs fuyards pour qu’ils rentrent dans les rangs.
    — L’Empereur avait raison, Votre Excellence, répondait
Saint-Hilaire en restant sur ses gardes.
    — L’Empereur avait raison, répétait Lannes en regardant
tout autour.
    Et ils redoublaient de rage meurtrière, prenaient des
risques énormes, tuaient, restaient indemnes, paraissaient invulnérables.
Soudain la cavalerie de Liechtenstein

Weitere Kostenlose Bücher